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Bernard Stamm

par Quentin Mayerat

Tu as construit ton voilier tout seul dans un village breton, que penses-tu des chantiers suisses ?
Ils sont loin de la mer ! J’ai tout de même l’impression qu’ils sont plus professionnels que les chantiers français, plus organisés, on y retrouve le souci de qualité suisse. J’ai travaillé pour l’un d’eux en 1989-90, Hägler à Pully. C’est là que se faisait la série des Aigles ou les bateaux de sauvetage de la CGN; ils sont aussi spécialisés dans la rénovation de bateaux en bois. Je trouve que l’on va davantage dans le détail que sur certains chantiers atlantiques. Et quand on est bien organisé dès le départ, il y a plus de chances que le boulot soit mieux fait à l’arrivée !

Qu’aimerais-tu voir en Suisse en matière de nautisme qui n’existe pas aujourd’hui ?
C’est un peu difficile car je suis un peu déconnecté de la Suisse maintenant. Mais d’une manière générale, je trouve qu’on parle peu d’olympisme. Les jeunes qui ont le niveau ont pourtant du mal à aller jusqu’au bout car cela n’éveille que peu d’intérêt, et donc peu de moyens ou de soutien. C’est dommage car les manches des championnats du monde sont aussi de gros événements à mettre sur pied et l’écho est faible. Par ailleurs, sur les côtes françaises, on voit parfois des «Géo Trouvetout» testant toutes sortes d’inventions à voile, chose qu’on ne voit pas ici à ma connaissance. Bertrand et Philippe Cardis faisaient du char à voile, par exemple, là-bas mais les lacs, qui sont très appropriés pour expérimenter des engins conçus pour la vitesse pure, ne sont pas exploités en ce sens.

Beaucoup de navigateurs suisses aimeraient avoir une relation qui s’inscrit dans la durée avec leur sponsor comme celle qui te lie à Bobst, quel genre de contrat as-tu ?
Mes deux sponsors, le Suisse Bobst et le Français Armor Lux, se partagent le budget du bateau depuis l’an passé et jusqu’à mai 2003, à hauteur de deux tiers et un tiers respectivement. Après l’Around Alone, tout est ouvert. Pour chaque année, je leur propose un programme sportif, on le budgétise et c’est accepté ou pas. En 2002, le budget a été un peu dépassé afin de pouvoir changer de mât, mais on a tous mis la main à la poche: les sponsors et moi-même. J’ai repoussé mes remboursements de dettes d’un an (Ndlr: Bernard Stramm s’est endetté à hauteur d’1 million de francs afin de pouvoir construire son voilier).

Que penses-tu apporter à tes sponsors principaux ?
Tout d’abord, j’espère apporter de la réussite à tous les participants au projet. Ensuite je souhaite pouvoir aller dans le sens de ce cherche chacun de mes sponsors: contribuer à l’augmentation de la notoriété d’Armor Lux par des retombées médiatiques, et impliquer les employés de Bobst dans cette belle aventure. C’est aussi important pour moi de sentir qu’il y a des gens derrière moi, surtout dans une course en solitaire !

A quoi te sert ton site web www.bernard-stamm.com ?
C’est à la fois un outil d’information et un lieu de rencontre. Tous ceux qui ont assisté à la conception et à la naissance du bateau peuvent maintenant suivre son évolution. Ceux qui l’ont découvert entre-temps ont l’occasion d’en connaître l’histoire depuis le début. Par ailleurs, le public peut entrer en relation avec les différents membres de mon équipe, mes sponsors ou moi-même. Il sert à partager ce que nous vivons.

Dans la course au large, tu alternes les solitaires et les courses en équipage, quelles facettes préfères-tu dans les deux cas ?
C’est vrai que j’ai un faible pour les courses au large, et j’essaie de multiplier les expériences et de varier les disciplines. A plusieurs, il est évident que l’on s’enrichit au contact des uns et des autres beaucoup plus vite: on fréquente des spécialistes qui nous apportent des plus là où on n’est pas complètement au point. C’est l’occasion d’améliorer un maximum de techniques ou de connaissances. D’un autre côté, ce qui me plaît en solitaire, c’est de pouvoir tout gérer de A à Z, de tout contrôler sans avoir de comptes à rendre, de tout faire sans concession, de ne pas avoir à subir d’interférences dans sa façon de voir les choses. Bien sûr, dans ce cas, on ne peut pas non plus compter sur un coup de main, il faut être vraiment polyvalent!

Quelles sont les 3 courses que tu rêverais de remporter dans les 5 ans à venir ?
(Sourire.) Commençons par l’Around Alone puisque j’y prends part, enchaînons par le prochain Vendée Globe et finissons par la Route du Rhum dans 4 ans !

Y a-t-il une préparation spéciale pour l’Around Alone et quels seront tes plus sérieux adversaires d’après toi ?
C’est une longue et grosse préparation que j’ai commencée il y a un an, qui passe à la fois par l’entraînement en régate, les aspects techniques, l’étude de la carte et le physique. Nous avons ainsi opéré de grosses réparations et améliorations techniques sur le bateau l’hiver dernier: mât, moteur, transmission, etc. Il faut impérativement qu’il soit fiable et résistant afin de ne pas avoir de mauvaises surprises et de ne pas perdre du temps. Ces lacunes dans la préparation technique nous avaient coûté la 1ère place de la Rubicon car nous avions perdu un temps précieux à réparer de petites choses. Ensuite, comme le routage n’est pas permis, il faut bien analyser le parcours auparavant, et demander les conseils de navigateurs qui l’ont déjà fait. Enfin, le bonhomme doit être en forme car il sera tout seul tout le long! Il n’y a pas vraiment de préparation physique type car on a besoin à la fois de souplesse, de muscles, d’endurance et de résistance aux efforts brutaux. Alors, j’ai pratiqué un peu de triathlon, mais le mieux est encore de régater! Il y a une bonne demi-douzaine de concurrents sérieux: Thierry Dubois connaît bien son bateau et s’est bien préparé, le Belge Patrick de Radiguès a racheté le bateau de Parlier, celui de Graham Dalton a été dessiné par l’architecte de Kingfisher, Bruce Schwab en a un neuf aussi, Tiscali n’est pas à sous-estimer, la course est vraiment ouverte.

As-tu des affinités particulières avec d’autres navigateurs, indépendamment des courses faites ou pas en leur compagnie?
En fait, je m’entends bien avec tout le monde, tu sais. J’ai certes mon copain Stève Ravussin que je vois de temps en temps mais on ne navigue pas ensemble. J’apprécie de régater en compagnie de Christophe Lebas, par exemple. Sinon, c’est sans doute avec les marins-pêcheurs que je m’entends le mieux !

Quand on est perdu au milieu des océans la majeure partie de l’année comme toi, qu’est-ce qui est le plus important dans le peu de vie privée restant ?
Une présence féminine…

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