En toute modestie et sans excès de chauvinisme, le Tour de France à la Voile est aussi, un peu, le Tour des Suisses. 40 éditions et 30 participations helvètes au compteur : le record de présence pour une nation étrangère.
On avait vu le Tour plus ou moins boudé par nos compatriotes depuis son passage au Diam 24 en 2015 et seul Bernard Stamm avait repris le flambeau. Deux ans plus tard, deux nouveaux équipages sont venus grossir les rangs avec Ville de Genève – CER 1 et Ville de Genève – CER 2. Nos représentants ont eu fort à faire au sein d’un plateau corsé de 29 participants dont quasiment 10 pouvaient prétendre au podium. Bernard Stamm est parvenu à se hisser dans le top 10, à la 9e place, tandis que les deux équipages du CER terminent 18e (Victor Casas/Guillaume Girod) et 22e (Nelson/Bryan Mettraux). À noter tout de même, un podium, la 2e place du classement jeune pour Ville de Genève – CER 2, de quoi donner le sourire, mais sans euphorie à son barreur Victor Casas : « C’est sûr que ça nous fait plaisir de rentrer dans le top 20 et de terminer deuxième équipe jeune. Mais le classement qui nous intéresse vraiment c’est le général et c’est pour celui-ci que l’on va travailler l’an prochain », confiait-il avant de monter sur l’estrade officielle à Nice. Toujours est-il que nos trois équipages suisses ont été séduits par ce millésime 2017.
Train d’enfer
Le Tour s’est déroulé au rythme effréné de neuf villes-étapes en trois semaines : trois actes dans la Manche, deux dans l’Atlantique et quatre en Méditerranée. À chaque fois, le rituel est le même : un raid côtier le premier jour et une régate sur stade nautique le lendemain. Les huit meilleurs des qualifications accèdent à la Super Finale qui est retransmise en direct sur internet. Un rythme éprouvant pour les régatiers du CER qui ne disposaient pas des mêmes moyens que les grosses écuries : « Sur la préparation des bateaux et la logistique, tout le monde participe, explique Élodie Mettraux en charge de la gestion du Tour pour le CER. Cela veut dire que tous les deux jours il faut monter et démonter les bateaux, les charger sur la remorque, conduire jusqu’à la prochaine étape, etc. C’est un apprentissage, une organisation et une vie de groupe qui se construit sur ce tempo. Ce n’est pas toujours évident, mais on a appris énormément ces dernières semaines. On ne dispose pas des infrastructures des leaders qui peuvent se concentrer uniquement sur leur course grâce à leurs équipes techniques. Mais ce qui est sûr, c’est que nous avons encore une bonne marge de progression ».
Le feu sur l’eau
Du côté des leaders justement, ils étaient beaucoup plus nombreux que lors des précédentes éditions à s’aligner avec des projets « gagnants », à l’image du vainqueur, le team Fondation FDJ – Des pieds et des mains et de son co-skipper Damien Seguin (médaillé d’or paralympique en 2014 et 2016). Lui qui était 19e des éditions 2015 et 2016 se retrouve aujourd’hui sur la première marche : « On a tout revu, du plafond au sous-sol, a déclaré ce dernier. L’équipage a été complètement renouvelé et nous avons mis en place des entraînements dès le mois de février. Le budget était plus élevé, le bateau neuf. Force est de constater que ça a très bien marché ! » Avec un programme de 75 jours de navigation en amont et le recrutement de Damien Iehl (déjà triple vainqueur du Tour de France) et de Benjamin Amiot (ex-Spindrift) bien connu sur le circuit D35, FDJ s’est donné les moyens de ses ambitions. D’autres pointures pouvaient également prétendre au titre comme Teva Plichart avec Trésors de Tahiti (2e), Sofian Bouvet sur SFS (4e), Thierry Douillard avec Oman Sail (5e), Quentin Delapierre de Team Lorina Limonade (6e), vainqueur l’an passé, ou encore Matthieu Souben avec Vivacar.fr (7e) et Billy Besson du Team Occitanie Sud de France… la liste n’est pas exhaustive.
Si le Tour ne se gagne pas en un jour, il peut se perdre sur chaque étape. C’est peut-être de régularité dont a manqué SFS, sans conteste le grand animateur de cette édition. L’équipe de Sofian Bouvet a remporté le plus grand nombre de victoires – six au total – et pourtant elle n’accroche qu’une quatrième place, la faute notamment à un démâtage à Roses et à un black flag lors de la Super Finale de Nice. En comparaison, le vainqueur Fondation FDJ n’a remporté que deux courses, mais n’a pas manqué une seule qualification en Super Finale. En définitive, la régularité paie plus que la prise de risque. Bernard Stamm a pour sa part montré une bonne régularité tout au long du Tour, mais n’a pu éviter une collision l’avant-dernier jour.
La déception de Stamm
On sentait le Saint-Preyard amer, déçu et forcément un peu en colère, à l’issue du raid côtier de Nice. Quelques minutes après le départ, Stamm a été victime d’un refus de tribord de la part du bateau de Billy Besson (Occitanie Sud de France) ayant entraîné une collision au niveau du safran bâbord et provoquant une importante voie d’eau dans son flotteur. Au courage, le skipper de Cheminée Poujoulat a tenté de terminer la course, mais en vain. Il a dû renoncer durant le deuxième tour afin de préserver l’intégrité du reste de son Diam 24. « C’est frustrant, à cause de cet incident on n’a pas pu défendre notre 8e place au sein du Rond or, on aurait même pu entrer dans le Top 5 au général. La règle est cruelle, car un abandon pour un accident non responsable est pénalisé autant que le reste. Mais c’est comme ça, on reviendra l’an prochain », encaisse Stamm qui rêvait d’un meilleur classement pour cette année, mais qui ne peut que constater que le niveau de la flotte est monté d’un cran : « Quand tu vois que Quentin Delapierre sur Lorina Limonade avait remporté largement le Tour l’an passé et qu’il ne termine que 6e cette année, on voit qu’il y a eu un gros progrès de fait du côté des équipages », commente-t-il. Progresser ? C’est justement la mission que se sont donnés les Suisses d’ici à l’an prochain afin de pouvoir jouer le haut du tableau.