Texte : Jean-Guy Python
Les premières heures de course étaient annoncées musclées: 60 nœuds de vent prévus à la Pointe Bretagne avec une mer croisée générant des creux de 6 mètres. Le départ a été reporté au mercredi 9 novembre, histoire de laisser passer la baston qui barrait la route des 138 marins de cette 12e Route du Rhum. Au final, Justine Mettraux, impériale en IMOCA, termine 7e, tandis que Simon Koster pointe à une splendide 4e place en Class40 au moment d’écrire ces lignes.
«Je vais choisir une option qui permette d’aller vite et, surtout, qui convienne au bateau. Je veux tirer le cent pour cent de son potentiel, du départ à l’arrivée», expliquait Alan Roura avant le départ de ce Rhum. Pourtant, les premiers essais en mer sur l’ex-monture d’Alex Thomson n’ont pas toujours été concluants. Un jeu de voiles peu adéquat qui l’empêchait d’être totalement performant au près. Alan en a donc changé. «Maintenant, avec mes Incidences Sails, j’arrive à faire du près. On a travaillé toute l’année là-dessus. C’est paradoxal, d’ailleurs, de travailler sur du près alors qu’on prépare une Route du Rhum. Ces nouvelles voiles ont changé le bateau dans toutes les allures», analysait le marin genevois sur les pontons de Saint-Malo.
Un navigateur qui a gagné en confiance et en performance aussi : «Mon Hublot est remonté comme une horloge. Et moi aussi! On fait un joli binôme, j’ai confiance, avec ce bateau, j’y vais les yeux fermés. Je ferai une belle performance, aucun doute. Je suis totalement serein, ce bateau est fait pour moi!», expliquait Alan au moment de quitter le port malouin.
Mais cette solitaire n’aura pas été simple pour le skipper genevois. Jouant au yoyo avec ses concurrents, en évoluant dans le milieu du classement, il a attendu avec impatience l’arrivée improbable du portant, allure très favorable à son IMOCA taillé pour les mers du Sud. Justine Mettraux, Alan Roura, Simon Koster et Oliver Heer, soit quatre Suisses dans la course. Un exploit à souligner pour un petit pays comme le nôtre. Il nous place sur les compteurs de cette 12e Route du Rhum au deuxième rang en matière de nation de voile, avec la Grande-Bretagne.
Justine Mettraux dans le groupe de tête
Sur les pontons de Saint-Malo, les bookmakers plaçaient Justine Mettraux en très bonne position dans la classe IMOCA. «C’est ma toute première transatlantique en solitaire sur un IMOCA. J’ai beaucoup à apprendre.» Son TeamWork est l’ancien Charal 1 de Jérémie Beyou. Très vite, elle s’est installée en bonne position dans le groupe de tête. Après une grosse semaine de course, elle touchait du doigt un début d’alizés dans la journée du vendredi 18 novembre. À l’approche de la Guadeloupe, elle obtient finalement une magnifique 7e place. «Le bilan est très positif. C’est cool d’être en tête de la course. Je suis contente de la manière dont tout s’est passé jusqu’à maintenant», expliquait la Versoisienne lors d’une vacation. Dans ce groupe de sept solitaires, toujours emmené par Charlie Dalin sur Apivia, les écarts se creusaient puis se comblaient au gré des grains et des incessantes bascules du vent. Idem chez les Class40 où Yoann Richomme sur Paprec-Arkea continuait de consolider son avance, mais derrière lequel la hiérarchie était régulièrement chamboulée.
Koster impérial!
Simon Koster, quant à lui, a été exemplaire. Pointant à la 4e place des Class40 – au moment d’écrire ces lignes –, Banque du Léman se situait alors au sud des Açores. Après avoir franchi vaillamment trois fronts, il n’avait pas encore trouvé le portant qui le propulserait vers la Guadeloupe. Les concurrents ont dû composer avec des vents très instables en force et en direction. C’est seulement une semaine après le départ que la Class40 a touché les premiers alizés : «Pour la première fois de cette traversée, j’ai le spi en l’air, c’est super réjouissant! Les alizés ? Pas tout à fait, mais on s’en approche! À voir si le vent faible au sud s’ouvre comme prévu», expliquait Koster, impatient de mettre du vent arrière dans ses voiles et de débouler plein pot pour un probable podium à Pointe-à-Pitre.
Oliver Heer a joué de malchance puisque, dès le premier jour au passage du cap Fréhel, il était victime d’une collision avec le bateau du Japonais Kojiro Shiraishi. De retour à Saint-Malo et après avoir obtenu l’aide de l’équipe technique du skipper japonais, Oliver est reparti pour terminer son Rhum.
Le record de Francis Joyon battu!
La lutte en Ultime a été acharnée. Charles Caudrelier sur le Maxi Edmond de Rothschild, bel oiseau de 32 mètres, s’est présenté le premier à la Tête-à-l’Anglais au nord de la Guadeloupe. «François Gabart m’a mené la vie dure. Il m’a poussé à atteindre une intensité que je ne pensais jamais pouvoir mettre sur un bateau», a expliqué Caudrelier. Il a franchi le premier la ligne d’arrivée à Pointe-à-Pitre mercredi 16 novembre au petit matin (5 h 02, heure locale) après 6 jours, 19 heures, 47 minutes et 25 secondes de traversée. Il bat le record de l’épreuve détenu depuis 2018 par Francis Joyon sur Idec Sport. «Depuis que j’ai vu Laurent Bourgnon arriver seul à la barre, j’ai toujours eu envie de faire cette course. Avec ces bateaux, on est dans un véritable sprint. Cette Route du Rhum a été une course de vitesse permanente. On est allés au-delà des limites du raisonnable en marchant à 40-45 nœuds sur une mer formée, je me suis fait un peu peur. Il y a eu un vrai combat avec François, il a bien navigué et il est bien revenu. L’histoire de Gitana Team est celle d’une vraie équipe avec un bateau extrêmement bien pré[1]paré. Pour tout dire, lors de cette traversée, je n’ai pas une seule fois sorti le tournevis», a encore expliqué le vainqueur.