Les premiers entraînements du SP80 à Leucate, lieu de leur future tentative de record du monde, ont été prometteurs. L’équipe et les performances du bateau progressent graduellement avec pour ambition une tentative de record à la fin de l’année.
Propos recueillis par Pauline Katz
La start-up SP80, cofondée par les anciens de l’EPFL, Benoît Gaudiot, Mayeul van den Broek et Xavier Lepercq, développe depuis 2019 un bateau capable d’atteindre 80 nœuds et de battre ainsi le record du monde actuel placé par Vestas Sailrocket 2 à 65,45 nœuds. Depuis l’automne 2023, le SP80 est fin prêt et les essais se succèdent crescendo. Benoît Gaudiot, l’un des pilotes de la fusée suisse, détaille les enjeux de cette année cruciale.
«Nous nous sentons prêts»
Comment se sont passés vos premiers entraînements ? Quelles sont les sensations à l’intérieur du bateau ?
Même si nous n’avons pas encore atteint de grandes vitesses, les premières sorties sont très positives. Le bateau semble fidèle aux projections que nous avions faites. En matière de sensations, elles sont passablement filtrées par tout l’équipement qui nous entoure. On est dans un cockpit fermé avec des casques munis de micros. Ces filtres nous permettent de nous concentrer sur l’essentiel, à savoir le pilotage de l’aile de kite pour ma part et du bateau pour Mayeul. Quand on ouvre la verrière après un run, on retrouve le monde réel, bien plus chaotique avec 35 nœuds !
À quoi vont ressembler les sensations à 80 nœuds ?
On essaye de se projeter, même si c’est difficile. C’est aussi pour cela que l’on a tout de suite défini les pilotes afin de se préparer mentalement. Le bateau est très confortable et la sensation de vitesse est atténuée, un peu comme dans une voiture moderne. Nous aurons forcément de l’adrénaline à cette vitesse, mais le but est d’en avoir le moins possible.
Comment se sont passées les premières navigations avec le kite de 25 M2 ?
Elles se sont plutôt bien passées. Nous avions déjà développé une plateforme de décollage sur l’un des bateaux accompagnateurs avec un mât qui permet de positionner l’aile dans sa pleine puis- sance. Nos premiers décollages avec une grande aile ont directement fonctionné, mais il s’agit toujours d’un moment critique, qui demande une excellente coordination entre les deux zodiacs et nous à l’intérieur du cockpit. Pour le record, l’aile avoisinera vraisemblablement les 40 M2.
Est-ce difficile de piloter l’aile de kite ?
Nous avons développé un système de pilotage relativement intuitif. On a remplacé la barre habituelle par un volant et un levier. Bien évidemment, il a fallu s’habituer un peu au début, mais tout bon kiter, moyennant un peu d’entraînement, pourrait la piloter. L’enjeu est d’être très attentif à l’inertie du kite, il s’agit d’anticiper tous ses mouvements. En cas de problème, nous avons la possibilité de larguer l’aile rapidement avec un système de largage d’urgence.
Comment communiquez-vous avec Mayeul van den Broek, le second pilote du bateau ?
Dans le cockpit, une cloison nous sépare. On a chacun la charge de 50 % de la réussite d’un run, donc nous devons être parfaitement coordonnés. Nous communiquons entre nous et avec l’équipe en zodiac grâce à des casques. L’équipe a aussi un rôle indispensable. Ils sont un peu nos yeux et nos oreilles car nous avons un champ de vision relativement restreint. Ils nous communiquent de précieuses informations sur le plan d’eau, les rafales… Une communication efficace est indispensable à notre réussite.
Est-il possible de s’entraîner à terre ?
Nous n’avons pas de simulateur pour nous entraîner en tant que pilotes, mais nous avons un logiciel qui simule les performances du bateau en fonction des conditions. Il nous permet de trouver les réglages optimaux, le positionnement des foils, la voilure… Cela nous aide énormément et nous permet de maximiser le temps sur l’eau, car c’est en naviguant que nous apprenons le plus !
Avez-vous de l’appréhension ?
Il y a forcément de l’appréhension mais notre préparation sécurité a été poussée au maximum. Nous nous sentons prêts. On connaît par cœur le bateau et tous les systèmes à bord. On a confiance dans l’équipe et nous montons en voilure petit à petit. Il s’agit d’un processus d’apprentissage que nous menons par étapes. Nous vérifions aussi très régulièrement tous les systèmes du bateau.
Comment se passe la phase d’accélération, quelles sont vos missions respectives ?
Une fois bien positionné grâce aux bateaux accompagnateur, nous effectuons un dernier check sécurité avant de décoller l’aile. Le démarrage du bateau est l’un des moments les plus complexes. L’aile tire puissamment, le bateau n’avance pas et Mayeul a très peu d’influence sur la direction. À partir de 8-9 nœuds, nous commençons à avoir plus de contrôle sur le safran. Notre bateau est conçu pour aller vite et il est donc peu performant à très basse vitesse. En fait, atteindre 15 nœuds est véritablement un point critique ! C’est sur cela que nous travaillons en ce moment, et nous nous réjouissons de voir ce qui nous attend après. Une fois au planning, le bateau devrait très vite monter en vitesse !
Quelle est la suite ?
Nous espérons beaucoup de vent et navigations ce printemps, et un record à la fin de l’année !