Météo du Bol
S’il n’existe pas de recette magique pour préparer sa stratégie sur une épreuve telle que le Bol d’Or, deux
spécialistes préconisent une approche méthodique, afin d’appréhender au mieux les différentes situations qui
peuvent se présenter avant et pendant la course.

PARMI SES NOMBREUSES COMPÉTENCES, UN SOLIDE BAGAGE D’ANALYSTE MÉTÉO
QUI LUI A PERMIS DE DEVENIR RECORDMAN DES VICTOIRES AU SCRATCH. ©Mateo Giraud
Le premier point météo du Bol d’Or est traditionnellement donné le jeudi qui précède l’épreuve, lors de l’incontournable conférence de presse de l’événement. Le prévisionniste de MétéoSuisse, Lionel Fontannaz, se charge de l’exercice depuis plus de dix ans, et son intervention est toujours très attendue. Elle apporte de précieuses indications quant au déroulement probable de la régate et constitue, pour beaucoup, une première mise en condition. Toutefois, le météorologue recommande aux skippers, stratèges et tacticiens de commencer l’exercice d’analyse des modèles déjà quinze jours avant le départ. Pareille approche permet en effet de se faire une première idée de la situation générale et met les sens en éveil avant la course.
Rentrer dans la course
« Il ne s’agit pas à ce stade de dessiner une stratégie, explique Lionel Fontannaz, mais porter un regard sur les différents modèles météo à deux semaines permet déjà de comprendre quels vont être les grands centres d’action, avec la position la plus probable des basses et hautes pressions à l’échelle du continent. Les modèles disponibles aujourd’hui offrent cette visibilité, et c’est assez cohérent de commencer à observer ce qui se passe très en amont. » Il suggère bien sûr de poursuivre la démarche d’observation des cartes quotidiennement, en considérant chaque jour l’évolution de la situation. « Il ne faut pas concentrer les premières analyses sur la direction et la force du vent, mais plutôt s’interroger sur les différents scénarios et situations types qui peuvent se mettre en place avec, par exemple, une tendance de sud-ouest ou de bise. » Dans cette phase de prospection, les navigateurs peuvent déjà chercher à faire un lien entre ces situations les plus probables et leur propre expérience du lac. « On ne peut pas s’affranchir de cette analyse à grande échelle », souligne notre interlocuteur.
J-5, les schémas s’installent
À partir de la semaine qui précède le départ, les choses se dessinent un peu plus précisément et les tendances se confirment ou s’infirment. « Cinq jours avant le départ, on commence à voir des situations prédominantes, poursuit Lionel Fontannaz. L’histoire se construit, et on peut imaginer à quelle sauce on va être mangé. Une baisse ou une hausse de température à une semaine peut donner un signal tranché sur la situation probable du week-end. Par exemple, une baisse de température indique le passage d’un front froid, avec de potentiels orages et un éventuel coup de Joran. Plus on se rapproche de l’échéance, plus on gagne en précision. » Christian Wahl, recordman des victoires au scratch et réputé pour son excellente connaissance du plan d’eau, explique qu’il débute sérieusement son analyse à une semaine du jour J. « Avant, je trouve que c’est trop aléatoire. Je ne m’y attarde pas trop, même si je jette bien sûr un œil sur les évolutions globales. » Pour le régatier, ce qui est important à l’échéance d’une semaine, c’est de confronter les différents modèles disponibles et de regarder les développements de chacun. « Il n’y en a pas un meilleur que l’autre. Ce qui est intéressant, c’est de voir où il y a des convergences ou des divergences, et d’essayer de comprendre pourquoi. La Suisse romande, et a fortiori le Léman, sont très complexes, notamment à cause des reliefs. C’est assez logique que les modèles prévoient des situations différentes. Les paramètres tels que l’orientation, la force et la direction du vent d’altitude, de même que la température et l’instabilité verticale, sont les plus importants à observer. »
SE DÉMARQUENT EN ÉLABORANT DES STRATÉGIES COHÉRENTES POUR TRAQUER LES RISÉES. ©Loris von Siebenthal
Avant-veille et temps réel
À deux jours du départ, même si beaucoup de choses se précisent, il s’agit de pouvoir mettre un timing détaillé sur les prévisions, et de dessiner à quoi pourrait ressembler le déroulement de la course. « La prévision du jeudi représente toujours un challenge, confie en ce sens Lionel Fontannaz. Si l’on reste dans l’exemple d’un passage de front : déterminer à quelle heure il va traverser le plan d’eau est toujours difficile. Et la situation sur la ligne peut être diamétralement différente selon qu’on se trouve devant ou derrière celui-ci. » Un ultime check du bulletin le matin du départ est évidemment indispensable, et peut encore apporter des indications précieuses sur les timings des phénomènes. Ensuite, il faut interpréter ce qui se passe en temps réel. « La référence pendant la course, c’est la station de la Dôle, relève encore Christian Wahl. C’est le meilleur endroit pour savoir ce qui se passe en altitude. Le vent dans la vallée du Rhône est également important pour évaluer la situation dans le Haut-Lac. » Point corroboré par Lionel Fontannaz, qui explique utiliser des informations provenant de stations de mesure non officielles. « MétéoSuisse dispose de trop peu de points de mesure dans cette zone. Ce qui s’y passe est fondamental pour connaître l’évolution du vent sur le lac, particulièrement en situation de foehn. »
Les deux spécialistes recommandent également l’observation de l’image radar, disponible sur le site de MétéoSuisse. Celle-ci donne beaucoup d’informations en direct sur la situation orageuse. Là encore, il convient pour chaque équipage de bien référencer les pages Internet à consulter durant l’épreuve, afin de ne pas perdre de temps ni de concentration à chercher des informations une fois sur l’eau. À relever que l’application MétéoSuisse, qui propose notamment l’image radar et les avis de prudence, est obligatoire pour tous les équipages. Au final, c’est évidemment l’expérience et le jeu tactique qui font la différence sur l’eau. Mais une bonne préparation météo reste l’une des clés d’un Bol réussi.