S’il n’est plus à la barre d’un IMOCA en solitaire depuis la perte de son bateau en 2013, Bernard Stamm est toujours très proche des cercles de circumnavigateurs. Il a accompagné le géant de la course au large, Jean Le Cam, au cours de sa préparation et a même accepté le rôle de suppléant. Bernard Stamm n’a pas eu à prendre le départ de cette édition, mais à 60 ans, il ne ferme pas la porte à de nouveaux projets sportifs.
«Je ne dis non à rien, mais je ne cours pas vers les projets, je les laisse venir. »
Comment est née votre association avec Jean Le Cam sur ce Vendée Globe et quel est votre rôle au sein de son équipe?
Jean m’a proposé l’an passé d’être son remplaçant pour le Vendée Globe au cas où il serait empêché de prendre le départ. Ça supposait de se préparer comme lui, de connaître le bateau comme lui, et donc, faire des milles avec lui. L’an passé, en parallèle de la Jacques Vabre, on a fait le convoyage ensemble vers la Martinique afin qu’il effectue sa qualification en course sur le Retour à la Base. À mon retour, fin novembre, je me suis occupé de l’organisation des Fêtes Maritimes de Brest jusqu’en août de cette année. Après cette grosse parenthèse, j’ai à nouveau apporté mon soutien à Jean dans sa dernière ligne droite. J’ai notamment managé son équipe afin de le décharger de nombreuses tâches qui prennent du temps. Je l’ai accompagné dans la prévision du matériel, la préparation du bateau et les différentes navigations. En tant qu’ancien participant au Vendée, j’ai également amené un regard extérieur et différent du reste de son équipe.
Après analyse des performances du bateau de Jean et après avoir effectué une transat à son bord, pensez-vous que ce nouveau bateau à dérives soit en mesure de rivaliser avec les foilers?
À certaines allures, c’est certain que non. Les foilers vont un quart plus vite, c’est le jour et la nuit. Le choix architectural a été fait pour performer sur un tour du monde complet.
S’agit-il d’un bateau taillé pour accélérer dans les mers du Sud, quels avantages possède-t-il par rapport aux foilers?
Il n’accélérera jamais aussi vite qu’un foiler, mais gardons à l’esprit que les skippers à bord des foilers auront du mal à utiliser leurs foils lorsque les conditions de mer seront plus mauvaises. À l’origine du projet de Jean, il y a une volonté de sobriété et d’être compétitif à moindre coût. Certains regardent les bateaux à dérives comme de vieux machins, alors que notre plan David Raison peut déjà atteindre des vitesses incroyables et contrairement aux foilers, nous n’avons pas à apprendre à freiner. Si ces derniers se retrouvent derrière une dépression avec une mer croisée, ils devront rentrer autant que possible leurs appendices. Mais les foils de dernière génération sont immenses et une partie conséquente reste immergée. La puissance est là et ils doivent donc se débrouiller pour la maîtriser. Même s’ils ont énormément appris suite aux retours d’expériences de The Ocean Race, dans certaines configurations de mer, ça devient vraiment compliqué avec des foils.
Et pourtant, on n’a pas l’impression que le groupe de leaders ait eu à appuyer sur le frein durant la descente de l’Atlantique? Que retenez-vous de cette première partie de course?
Ils n’ont eu aucune raison de lever le pied. Ils ont eu des conditions très clémentes depuis le départ, puis sont descendus vers Bonne-Espérance en restant dans le secteur chaud de la dépression où il n’y a pas de mer. Le Vendée Globe, c’est surtout une course à élimination. Soit tu passes et tu arrives à gérer les efforts de la machine, soit tu casses.
Globalement, la hiérarchie sur le papier est respectée. Ils ont tous eu du temps maniable à part certains grains qu’il a fallu négocier. La météo a globalement permis de préserver les bateaux.
Vous avez une histoire mouvementée avec le Vendée Globe, votre implication dans l’équipe de Jean Le Cam ravive-t-elle votre flamme pour cette course?
C’est sûr que ça donne envie. Je suis pragmatique, un Globe ça se prépare pendant quatre ans. Je les ai regardés partir avec envie, mais j’étais conscient que cette fois ce n’était pas pour moi. Je ne sais pas si je me relancerai un jour. Quand Jean m’a demandé d’être son remplaçant, je n’avais aucune envie de prendre sa place, car je sais ce que ça représente de mener une campagne Vendée pendant quatre ans. C’est son projet et j’étais heureux qu’il puisse prendre le départ. Depuis que mon IMOCA s’est cassé en deux, j’ai participé à plein de beaux projets : des records avec Francis (Joyon N.D.L.R.), des navigations dans le Grand Nord avec Mike (Horn N.D.L.R.) et bien sûr les Fêtes Maritimes de Brest qui m’ont demandé plus d’énergie que tout un Vendée Globe ! Pour dire vrai, je suis un peu usé de devoir me vendre. Je ne dis non à rien, mais je ne cours pas vers les projets, je les laisse venir.
©Olivier Blanche
Quel est votre plus beau souvenir sur cette compétition?
C’est mon arrivée aux Sables en 2012. J’ai été déclassé, car un type était monté sur mon bateau sans mon accord lorsque j’étais au mouillage près d’une île au sud de la Nouvelle-Zélande. Mais l’arrivée, elle était magique. À force de tourner, on pense que c’est normal, mais un tour du monde, ça reste un tour du monde.
Quel est votre regard sur les Suisses qui naviguent sur ce Vendée?
Je trouve ça bien qu’il y en ait autant. Justine se débrouille bien, mais elle va être assez handicapée par la perte de son J0. Alan a raté le coche en essayant de passer à travers la bulle avant le premier passage de l’équateur. Oliver – que je connais moins que les autres – trace son sillage avec des ambitions différentes. La route est encore longue et ils ont tous une carte à jouer.