À Lagos, la délégation suisse a brillé avec la victoire de l’Alémanique Christian Zuerrer, la 3e place d’Alinghi Red Bull Racing et la 4e de Team Tilt.
Texte : Grégoire Surdez
Le GC32 est une affaire suisse. L’année 2022 ne déroge pas à la tradition qui veut qu’un drapeau rouge à croix blanche grimpe au sommet du mât au son du Cantique suisse. À Lagos, au Portugal, le titre de champion du monde est redevenu propriété helvétique. Mais ce n’est peut-être pas forcément l’équipe que l’on attendait le plus qui a été prise la main dans le sacre. Après Tilt en 2018, Alinghi en 2019, c’est donc Black Star Sailing qui a succédé à Red Bull Racing, couronné il y a 12 mois juste avant sa fusion avec Alinghi !
Le futur challenger de la 37e Coupe de l’América a tout de même réussi à grimper sur la boîte (3e) avec un équipage inédit et une barre confiée au jeune Maxime Bachelin, 24 ans. Arnaud Psarofaghis et une partie de l’équipage étaient déjà à pied d’œuvre du côté de Barcelone pour préparer la mise à l’eau (le 8 août) du BoatZero. Entre les deux équipes suisses, les Français de K-Challenge de Quentin Delapierre ont tutoyé l’exploit.
De SailGP et de la Coupe au GC32
Une belle flotte de dix équipes était réunie en Algarve. Avec trois bateaux, la Suisse avait l’avantage du nombre pour se mettre en évidence. Outre Alinghi Red Bull Racing et Black Star Sailing, Team Tilt s’est aussi aligné au Portugal. Dans une saison chargée en SailGP, Sébastien Schneiter a tenu à participer à un événement qui lui tient autant à cœur qu’il lui a réussi dans le passé. Titré en 2018, 2e en 2019, Team Tilt évoluait cette fois sous les couleurs de Switzerland SailGP, avec un équipage composé de marins suisses et étrangers. Échouant au pied du podium, Seb Schneiter n’en était pas pour autant déçu. « Sans doute que nous aurions été plus à l’aise dans des conditions plus musclées et nous étions prêts pour cela, dit-il. Mais ce championnat a été magnifique malgré ces conditions compliquées. Le niveau de la flotte était élevé et les meilleurs “pilotes” ont très bien navigué. »
Entre deux événements de SailGP, l’équipe sait que chaque minute passée en régate et en vol est une minute bénéfique. Encore en construction et en phase de consolidation, Switzerland SailGP a donc bien profité de ce championnat au Portugal pour progresser vers des objectifs toujours plus relevés. Alinghi Red Bull Racing était lui aussi aligné à Lagos avec une perspective allant bien au-delà du simple titre de champion du monde.
Nils Frei, devenu coach au sein du défi suisse, estime donc que le seul bateau aligné par Alinghi Red Bull Racing n’a pas perdu son temps pendant une semaine riche. « Cette régate était comme un test event pour nous dans la perspective de l’objectif final qui nous attend, dit-il. C’était une belle occasion de prendre les bons automatismes pour mieux travailler ensemble. »
Alinghi en phase de test
C’était aussi l’occasion de confier la barre à Maxime Bachelin, en lieu et place d’Arnaud Psarofaghis retenu par son programme Cup des plus chargés. Du haut de ses 24 ans, le jeune régatier vaudois a parfaitement répondu aux attentes en étant épaulé par Nicolas Charbonnier, Yves Detrey, Bryan Mettraux et Florian Trüb. « Ce n’était pas simple mais nous continuons à progresser, c’est le plus important, estime Maxime Bachelin. Les régates étaient très serrées et exigeaient beaucoup de concentration. Nous en retenons le positif et avons montré que nous allions vite. Je suis conscient des progrès à faire sur les départs. Ce sera l’objectif principal des prochains entraînements. » Après ce premier podium en GC32, Maxime Bachelin veut surtout positiver. « Se mettre dans des situations difficiles comme celles-ci est une bonne préparation en vue de la Coupe. »
La Suisse alémanique à l’honneur
C’est donc le troisième larron suisse, complètement concentré sur cet objectif, qui a tiré les marrons du feu. Pour le propriétaire et régleur de grand-voile Christian Zuerrer, c’est une consécration qui coïncide avec une première victoire en GC32. Lancée en 2019, l’équipe Black Star Sailing apprend vite et bien grâce à l’apport d’une légion étrangère de premier plan et parfaitement au fait des spécificités du GC32. Avec le Kiwi Chris Steele à la barre, accompagné de Pieluigi de Felice, un autre Kiwi Stewart Dodson, Christian Zuerrer a constitué une équipe redoutable. C’est grâce à son incroyable régularité que Black Star est venu à bout du bateau français K-Challenge, dominateur lors des trois premières journées. Ce n’est que lors de l’avant-dernière régate que l’équipe suisse a passé l’épaule. « La saison passée, nous avions toujours des hauts et des bas, se souvient Christian Zuerrer. Notre but, cette année, était de devenir constant et c’est ce que nous avons réussi à faire. L’alchimie est excellente et chacun a une totale confiance en l’autre. Sur ces machines volantes et one design, c’est sans aucun doute la clé du succès. Plus une équipe est stable, plus elle est performante. »
Ce titre de champion du monde est une belle récompense pour un propriétaire qui reste dans l’ombre dans son coin de pays. « Même une victoire contre Alinghi ne semble pas intéresser les médias suisses-alémaniques, soupire-t-il. Chez nous, la voile reste malheureusement un sport confidentiel. Nous espérons désormais confirmer sur la suite du championnat remporter le titre sur l’ensemble de la saison. » Une nouvelle victoire au nez et à la barbe du challenger de la 37e Cup suffira-t-elle à mettre un peu plus dans la lumière Black Star ? « Ce n’est même pas sûr », conclut Christian Zuerrer.