Les résultats des athlètes suisses lors des épreuves de voile des JO 2024 sont aussi satisfaisants que décevants. Ils démontrent quoi qu’il en soit qu’une médaille olympique en voile reste le titre le plus difficile à décrocher.
Tous les régatiers suisses qui ont participé aux JO 2024 sont rentrés avec un diplôme olympique, ce qui constitue une première pour la délégation suisse. La médaille tant attendue depuis plus de 50 ans a par contre échappé aux régatiers présents à Marseille. Maud Jayet réalise le meilleur résultat avec une 4e place en ILCA 6. Sébastien Schneiter et Arno de Planta en 49er se sont classés 8es, de même qu’Yves Mermod et Maja Siegenthaler. Dans les nouvelles séries, pour leurs premières olympiades, Elia Colombo termine 7e en iQFoil, et Elena Lengwiler 6e en Formula Kite.
Plan d’eau complexe
Les conditions sur le plan d’eau marseillais ont été particulièrement diffciles, avec un soleil de plomb et globalement assez peu de vent sur l’ensemble des courses. De nombreux reports et des annulations sont venus ponctuer les douze jours de régates. Ces conditions ont eu un impact évident sur tous les régatiers, et même les meilleurs ont réalisé des contre-performances. En 49er, les Espagnols Diego Botín et Florian Trittel, médaillés d’or, ont signé des 15es et 16esplaces durant les douze courses qualificatives. Les Néo-Zélandais Isaac McHardie et William McKenzie ont également terminé 17es et 18es. Malgré leurs quatre victoires de course, ils terminent avec l’argent, à 12 points des leaders.
Le total des points des vainqueurs, largement supérieur à ceux de Tokyo et Rio, démontre clairement que le plan d’eau de Marseille était bien plus complexe qu’ailleurs. Comme toujours lors des événements qui comptent beaucoup de régates, la régularité a été la plus importante. Et si le duo suisse de 49er a réalisé quelques jolis résultats, avec des 1res, 2es, 3es et 4es places, celles-ci ne leur ont pas permis de se hisser au sommet du classement. Plusieurs pénalités qui auraient dû être évitées ont terni le parcours de Sébastien et Arno, notamment lorsque le stick du bateau, alors dans le trio de tête, a touché la bouée au vent, imposant un 360°. « Si mentalement, nous avons réussi à toujours rebondir, les diverses pénalités dont nous avons écopées démontrent aussi que c’est sur ce point que nous n’étions pas les meilleurs », a déclaré Sébastien Schneiter au retour de l’ultime régate.
Amer chocolat
La plus grosse déception de ces JO vient sans aucun doute de l’ILCA 6, série dans laquelle Maud Jayet est passée au plus près de la médaille. Quatrième à l’aube de la Medal Race, elle avait une petite chance de ramener le bronze, à condition de faire un sans-faute le dernier jour, en plus de mettre sa concurrente norvégienne Line Flem Høst deux places derrière elle. Le scénario escompté ne s’est pas produit et la Suissesse a dû se contenter de la médaille en chocolat. Un classement extrêmement frustrant pour celle qui avait réussi une magnifique ascension ces deux dernières années. Maud, extrêmement déçue, a déclaré à l’issue de ces Jeux que seules les médailles avaient de la valeur. Elle n’était clairement pas venue pour terminer 4e.
En 470 mixte, Yves Mermod et Maja Siegenthaler – cette dernière avait terminé 4e à Tokyo associée à Linda Fahrni – ont encore fait quelques belles régates, avec notamment une victoire de manche. Une élimination pour départ prématuré et une Medal Race en queue de peloton n’ont au final pas permis au duo d’aller au-delà de la 8e place.
Spectaculaire foiling
Les deux athlètes engagés dans les nouvelles séries de cette édition, le windsurf à foil iQFoil et le Formula Kite, ont quant à eux réalisé de jolies performances pour leur première participation. Le Tessinois Elia Colombo, qualifié de justesse pour le tour final, est sorti en quart de finale après un très beau run. Elena Lengwiler, ancienne hockeyeuse arrivée il y a tout juste trois ans dans la discipline, a fait de beaux Jeux. Malheureusement, seules six courses qualificatives sur les seize prévues ont pu être lancées, ce qui n’a pas permis à la Saint-Galloise d’exprimer tout son talent. Bien que qualifiée pour les tours finaux, une pénalité a eu raison de son ultime régate qu’elle avait remportée sur le fil face à l’américaine Daniela Moroz, sextuple championne du monde. On relèvera que ces deux nouvelles séries à foil ont rempli leur contrat et apporté un magnifique spectacle au public présent. Les courses, qui se déroulent sur quelques minutes, sont très intenses. Le système de finales des Formula Kite, particulièrement complexe, pourrait par contre desservir ce support en devenir. Gageons que les responsables réfléchissent à le rendre un peu plus limpide pour le grand public.
L’heure du bilan
Le bilan de ces JO reste remarquable, même si une médaille était attendue et que le potentiel était là. Voir 100% de la délégation accéder en finale, a fortiori avec des diplômes, démontre que la sélection suisse était très compétitive. Les investissements consentis par Swiss Sailing Team ont porté leurs fruits. Le tableau final démontre que les JO restent l’épreuve de voile la plus exigeante au monde, même si les championnats d’Europe et du monde sont très disputés, avec plusieurs concurrents par nations. Le plateau olympique est incroyablement relevé et il ne sut pas de réaliser de bons résultats au cours des deux années qui précèdent les Jeux pour monter sur le podium. Il faut réellement survoler les flottes pour atteindre un résultat.
Pour Christian Scherrer, chef d’équipe de Swiss Sailing Team, les expériences acquises et les résultats globaux pèsent clairement plus lourd dans la balance que l’absence de médaille. «C’est un exploit, conclut-il. Bien sûr, on visait une médaille, mais chaque régate est différente et ça n’est pas passé cette fois-ci. Il a manqué peu de choses et il y a eu de petites erreurs qui ont coûté cher. Si on regarde l’ensemble des Jeux, toutes disciplines confondues, il y a neuf quatrièmes places pour les Suisses. On est peut-être dans cette tendance… Il faudra remettre ça pour faire mieux. » Le nombre de diplômes ne va pas avoir d’influence sur le budget de Swiss Sailing Team, mais va conforter la voile comme sport de catégorie 1 vis-à-vis de Swiss Olympic, ce qui est une très bonne chose. Le responsable de l’organisation chargée de l’élite ne se prononce pas à ce stade sur la prochaine campagne. « Il faut que tout le monde se repose et fasse le point sur ce qui s’est bien passé, et aussi moins bien. Tout le monde s’est remarquablement engagé. J’aimerais bien sûr que ceux qui sont passés près du podium poursuivent, mais ça dépend d’eux.
Il faut qu’elles et ils soient motivés et prêts à s’investir. Indépendamment de cela, nous avons acquis beaucoup d’expérience au cours des trois dernières années et nous pouvons la transmettre à la relève. »
©Sander van der Borch – SEULES SIX COURSES SUR LES 16 PRÉVUES ONT PU ÊTRE DISPUTÉES EN FORMULA KITE, CE QUI N’A PAS PERMIS À ELENA LENGWILER DE FAIRE VALOIR SON REMARQUABLE POTENTIEL.