L’épreuve a retrouvé un format originel en 2023. Pour le plus grand bonheur des jeunes marins lémaniques qui rêvent de large. Deux équipes lémaniques étaient au départ. Et le CER a brillé.
Texte : Grégoire Surdez
C’est un retour à la normale. Un retour aux sources, même. Après plusieurs saisons d’errances le Tour de France à la voile (désormais dénommé Tour Voile) est revenu sur le bon chemin. Celui qu’empruntent depuis près de 40 ans des dizaines de navigateurs en quête de large. 2023 a marqué le grand retour du monocoque monotype ainsi qu’il en avait été depuis la création de l’épreuve en 1985. Grâce à l’engagement de la Fédération française de voile et de la classe Figaro, un support qualitatif et relativement bon marché a été choisi. Le Figaro 3 n’est certes pas le bateau du siècle, mais il a le grand mérite d’exister en très grand nombre. Il n’a donc pas été très compliqué de trouver une quinzaine de bateaux disponibles pour mettre sur pied en coup de vent une édition 2023 qui a tenu ses promesses.
Deux équipages suisses
Dès que la nouvelle du Tour de France à la voile est entrée dans les tuyaux, elle a trouvé écho au bord du Léman. Valentin Gautier et Morgan Lauber, les deux administrateurs du CER, ont sauté sur l’occasion pour redonner une nouvelle dynamique au Centre d’entraînement basé dans le canton de Genève. Dans le même temps, l’équipe Race For Science Verder, articulée autour d’Edouard Golbery, avec les jeunes Joshua Schopfer, Nina Verder, Alice de Pfyffer, Lallie-Rose Huygues Despointes et Pier Paolo Dean, s’est aussi lancée dans l’aventure battant pavillon de la SNG. «Le Tour fait partie de l’ADN du CER, rappelle Valentin Gautier. J’y ai moi-même appris la régate au large avant de me lancer dans une carrière de coureur passant par la Mini et ensuite la Class40. C’est une épreuve unique en son genre qui permettait d’aborder tous les aspects de la course au large, avec ses parcours côtiers et ses étapes de liaison. Tout cela avait disparu malheureusement.»
Au siècle dernier, Christian Wahl ou Dominique Wavre étaient les grands timoniers du CER. Ils participaient chaque saison à l’éclosion de certains talents et permettaient à des vocations de naître au fil de cette aventure annuelle. Trois semaines de travail, de courtes nuits, de très longues journées. Des trajets pour rallier les différentes villes-étapes. De la promiscuité, des tensions, des rires, des pleurs, parfois. C’est aussi dans l’ADN du CER qui aime rappeler qu’il est bien plus qu’une école de de régate. «Un Tour de France, c’est un condensé d’émotions et l’aspect humain est primordial, souligne Valentin Gautier. On peut donc dire que pour cette édition, tout s’est bien passé. Nous avons pu faire participer 12 personnes au fil des étapes et il y a eu de très belles révélations pour certains.»
Le Tour épouse son époque en permettant aux jeunes et aux femmes en particulier de se faire une place à bord. Lors de chaque étape, l’équipage de quatre personnes doit être composé d’au moins une fille et de deux navigants de moins de 26 ans. La 4e place est en général occupée par le « capitaine ». Valentin Gautier, en ce qui concerne le bateau Ville de Genève, a souvent été ce précieux soutien, tout heureux de transmettre ce savoir acquis de 2017 à 2022 lors d’une carrière hauturière digne d’éloges.
Galop d’essai
Il faut bien la présence à bord de cette touche d’expérience et d’excellence pour appréhender un milieu parfois hostile. Premières nuits en mer, premières nausées parfois. Premières peurs, premiers bonheurs. «On a retrouvé les mêmes émotions que celles que j’avais moi-même vécues en 2013 lorsque j’avais participé en tant que simple équipier. C’est une course exigeante et je suis très fier de ce que chacun a été capable de faire. Le début de tour a été un peu compliqué car nous sommes partis avec une préparation minimale puisque tout s’est décidé tardivement. C’était une sorte de version 0.0 du Tour Voile. Comme à l’époque mais avec un peu moins de moyens. Cela dit, les organisateurs ont réussi à proposer un programme qui tenait très bien la route et qui a été apprécié par un maximum d’équipes. On peut être sûr que cette édition du renouveau va susciter un intérêt croissant et que le nombre d’équipes sera plus important dès l’an prochain. J’ai eu pas mal d’échos de gens qui hésitaient à s’engager cette année et qui attendaient un peu, pour voir.»
Le CER, lui, n’a pas hésité. Il promet déjà de revenir. Parce que son histoire est liée intimement à l’autre Tour de France de juillet. «Parce que notre association se devait de pouvoir encore proposer un accès à la course au large et non pas uniquement au foiling, précise Valentin Gautier. Avec ce projet de Tour de France et celui autour du 69F, nous avons désormais deux grands axes de développement et de travail à proposer aux jeunes.»
Transmettre
Reprendre le large avec des jeunes, c’est une idée qui trottait dans la tête de Valentin Gautier depuis un bon moment. «Cela me tenait à cœur François Van Malleghem François Van Malleghem puisque j’y pensais depuis mes années en Class40, poursuit l’ancien skipper de Banque du Léman. Avec Simon Koster, nous avions initié un projet d’académie offshore qui n’a malheureusement pas abouti. Quelque part, avec ce retour à un tour de France traditionnel, à l’ancienne, on atteint cet objectif que nous visions en voulant offrir un accès à la course au large. Le timing de cette renaissance est juste parfait aussi pour nous.»
Deux ans de Covid et des années de course au bord des plages avaient tué le Tour. Cette renaissance est une bénédiction pour toute une génération de régatiers lémaniques qui rêvent désormais d’emprunter le sillage de Justine Mettraux, Simon Koster, Alan Roura et autre Valentin Gautier. «Il y a du talent, précise ce dernier. Et surtout beaucoup d’envie. Notre parcours sur ce Tour témoigne d’une belle progression au fil des étapes. Notre résultat final, 6e , se situe bien au-delà de nos espérances. Et notre victoire lors de la dernière étape de liaison, qui était un peu l’étape reine, restera comme le tout grand moment de ces trois semaines très intenses. En plus de trente participations, les victoires du CER n’ont pas été si nombreuses que ça ! C’est donc toujours très plaisant de le vivre et l’explosion de joie au passage de la ligne était à la hauteur de l’exploit!»
De Saint-Quay Portrieux à la Rochelle, le CER a réussi son pari à plus d’un tour. Un noyau dur se dessine au sein de l’équipe. «Nous avons posé les bases pour construire une belle histoire», conclut Valentin Gautier. Un constat sans doute partagé par l’autre équipe suisse, Race for Science Verder, qui a terminé 10e tout en faisant le plein d’expériences et d’émotions.