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Un marin suisse à l’assaut d’un tour du monde minimaliste

par Vincent Gillioz

Mini Globe Race

Le régatier suisse Renaud Stitelmann s’est élancé fin février sur la Mini Globe Race, une course autour du monde en solitaire avec escales sur un monotype de 5,80 m. Après avoir remporté la transat de ralliement vers le départ à Antigua, ce marin accompli de 61 ans figure parmi les favoris.

À l’heure où certains terminent un tour du monde en solitaire en monocoque en moins de 70 jours, d’autres sont partis autour du globe sur de frêles esquifs, avec la perspective de boucler la boucle en… 260 jours de mer. La Mini Globe Race qui suit la zone tropicale – hormis le passage du cap de Bonne-Espérance – a ceci de particulier qu’elle se dispute sur des voiliers à peine plus grands que des Corsaire, à une vitesse moyenne de 5 nœuds. Parmi les concurrents, Renaud Stitelmann, régatier bien connu sur le Léman et le lac de Neuchâtel, a pris le départ d’Antigua fin février. « Je réalise un rêve, nous a confié le skipper joint par téléphone deux semaines avant le grand départ. C’est un format et un bateau qui me correspondent, centrés sur le bonhomme. Je fais tout tout seul, je vis à bord, je suis autonome et j’apprécie ce côté minimaliste. »

UN COUP DE CORNE LIBÈRE LES CONCURRENTS VERS L’OCÉAN. ©Rob Havill/MGR2025

Rapide et toujours calme

Régatier confirmé, vainqueur à deux reprises du Bol d’Or et trois fois des 5 Jours du Léman, Renaud Stitelmann a terminé deuxième de la dernière Translémanique en solitaire et l’a remportée en 2017. Connu pour son calme à toute épreuve, ceux qui l’ont côtoyé ne sont pas surpris de le voir s’aligner sur cette course. « C’est une régate taillée pour lui, confie Darius Golchan qui a fait deux fois les 5 Jours avec lui ainsi que trois saisons en M2. C’est un homme d’éléments et de feeling, qui a une compréhension des phénomènes hors norme. » Valentin Gautier, coureur en Classe 40 et ancien administrateur du Centre d’Entraînement à la Régate – que Renaud a fréquenté dans les années 80 – en parle dans les mêmes termes : « Ce qui le caractérise le plus, c’est son calme. Il ne s’énerve jamais, même dans des situations critiques. J’ai découvert avec lui qu’il était possible de naviguer sans crier. En plus, il aime vraiment être sur l’eau. C’est une condition indispensable pour faire une telle course, où le temps peut être très long. Il fait par ailleurs des analyses météo qui sont toujours très cohérentes. C’est une de ses grandes forces. » Après avoir remporté la transat de ralliement entre Lanzarote et Antigua au début de l’année, Isidore – son surnom dans le milieu de la voile – aborde ce tour du monde avec la nonchalance et la discrétion qui le caractérise : « J’ai fait mon chemin seul sur la base de mon expérience. Lors de la première partie de qualification entre Lagos et Lanzarote, j’ai réalisé un joli coup météo. Ensuite, sur la transat, je me suis appliqué à garder une bonne vitesse moyenne, en travaillant sur la VMG, et ça a payé. » L’intéressé qui reste très humble sur ses résultats relevait en mettant pied à terre à son arrivée à Antigua : « Je n’ai eu que du plaisir ! »

CAPUCINETTE, LE VOILIER DE RENAUD STITELMANN,
FAIT PARTIE DES FAVORIS DE CETTE ÉPREUVE INSOLITE. ©Rob Havill/MGR2025

À l’ancienne, mais pas que !

Le principe de la classe Globe 5,80, c’est le minimalisme tout en utilisant les outils de sécurité en phase avec les besoins d’aussi petits bateaux. Les concurrents peuvent ainsi utiliser une connexion satellitaire, pour récupérer des fichiers météo et communiquer avec la terre – Renaud Stitelmann est d’ailleurs très actif sur sa page facebook. Les logiciels de routage sophistiqués restent en revanche prohibés, hormis ceux du type Windy. Les pilotes automatiques basiques (uniquement en réglage de cap, sans connexion aux instruments) sont autorisés, en complément des régulateurs d’allure qui équipent tous les voiliers. « Le pilote, c’est pour dépanner dans certaines conditions, explique encore Isidore. Ce sont des modèles que j’appelle  » tire-pousse  » qui n’ont aucune intelligence. Ça ne marche pas dans les vagues, donc on l’utilise très peu. » Le GPS fait aussi partie de l’équipement standard, mais chaque participant a dû démontrer sa capacité à maîtriser la navigation astronomique. Pour le reste, chacun doit être autonome en eau potable et évidemment en nourriture pour des étapes qui peuvent durer une quarantaine de jours. Sur ce point, le skipper suisse n’a fait aucune concession au confort. « Je ne veux pas me contenter de lyophilisé. J’emporte des produits frais, et je mange un plat chaud par jour. Je fais du pain et des gâteaux en mer. Ça fait partie de mon approche, je veux me sentir bien à bord. »

©Rob Havill/MGR2025

Classe montante

La classe Globe 5,80 est destinée à un public très hétéroclite de puristes, qui ne compte pas que des régatiers confirmés. « Il y a des artistes, des ingénieurs, d’anciens pilotes… des gens de tous les horizons, relève Don McIntyre, à l’origine de ce tour du monde insolite et déjà organisateur de la Golden Globe Race, et de l’Ocean Globe Race. Et de poursuivre : Renaud n’est pas le profil type du propriétaire de Globe 5,80 car il n’y en a simplement pas, il y a de tout. Ce que je peux dire, c’est que c’est un régatier intelligent qui utilise sa tête avant ses muscles. Il sait écouter son bateau et le faire marcher. Il fait sans aucun doute partie des favoris. » Les Globe 5,80, dessinés par le polonais Janusz Maderski, sont réalisés en contreplaqué époxy, et peuvent être fabriqués relativement facilement
en autoconstruction pour un budget inférieur à 40’000 CHF. Isidore a fait construire sa coque en Pologne, et a armé le bateau chez lui, dans la région d’Estavayer avant les premiers essais sur le lac de Neuchâtel en 2022. Pour ce qui est de l’épreuve, elle en est à sa première édition, et quinze concurrents y participent. Au vu du succès rencontré par la classe – plus de 25 unités déjà construites, et une bonne cinquantaine en projet – Don McIntyre sait déjà qu’il va renouveler l’exercice en 2029 avec 20 bateaux, la limite maximum qu’il s’est fixée. Pour l’heure, il s’agit d’aller au bout de cette longue route, que Renaud Stitelmann pourrait bien remporter.

CE N’EST PAS PARCE QU’ILS SONT PETITS, ET D’UN DESIGN TRADITIONNEL,
QUE LES GLOBE 5,80 NE RÉGATENT PAS À COUTEAUX TIRÉS. ©Rob Havill/MGR2025

Le programme de la Mini Globe Race
Étape 1 : Antigua (23 février 2025) à Panama (1’300 nm). Transport en camion à travers Panama.
Étape 2 : Panama (24 mars 2025) aux Fidji avec pit-stops à Tahiti et aux Tonga (6’500 nm).
Étape 3 : Fidji (25 juillet 2025) à Cap Town, avec pit stops à Darwin, Maurice et Durban (9’700 nm).
Étape 4 : Cap Town (28 décembre 2025) à Antigua, avec pit-stops à Saint-Helène et Recife (6’100 nm).
Arrivée prévue en mars 2026 à Antigua.

Pour suivre la Mini Globe Race : minigloberace.com

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