Après un coup de canon reporté à 14h 20 pour cause de brume persistante, Alan Roura a franchi la ligne de départ du neuvième Vendée Globe sous un soleil bienvenu, crevant la masse de brouillard qui s’étirait aux larges des Sables d’Olonne. Le navigateur suisse de 27 ans s’est élancé pour son deuxième tour du monde en solitaire.
Texte et photos : Jean-Guy Python
Dimanche 8 novembre, c’est finalement sous un soleil radieux, avec 12 nœuds de vent de sud-est sur une mer assez plate et au vent de travers que les 33 solitaires se sont engagés pour une descente de l’Atlantique, première étape de l’« Everest des mers».
A deux jours du départ, Alan Roura trépignait d’impatience. Après deux semaines de confinement entre quatre murs, le skipper genevois n’attendait plus que de lâcher les chevaux : «Il y a quatre ans, à cette même époque, nous bossions encore jour et nuit tout en profitant de la fête. Cette année, je me suis retrouvé isolé. Pour ne pas perdre l’influx, je me suis plongé dans les fichiers météo. Je suis dans un bon état d’esprit, j’ai bien les crocs !
» Je vais tout donner sur le début de course, parce que je pense qu’il y a des coups à faire. Je suis bien chaud »
, expliquait Roura à 48 heures du départ.
Et il l’a fait … un peu modestement et surtout prudemment puisque dès le coup de canon, le Genevois se trouvait en 15e position.
En 2016, il était le plus jeune skipper de l’histoire à prendre le départ du Vendée Globe, à seulement 23 ans ! Quatre ans plus tard, c’est encore lui le benjamin de la course. Douzième lors de sa première participation, après 105 jours de mer, le Versoisien voit maintenant plus grand et plus loin. Avec en ligne de mire le projet de boucler ce tour du monde en 80 jours.
Troisième en 2012-2013, sur les talons d’Armel Le Cléac’h en 2016-17, le skipper britannique Alex Thomson et son équipe se sont concentrés sur un seul objectif : remporter le Vendée Globe 2020. Il s’est armé de l’IMOCA le plus radical de la flotte, pionnier du cockpit entièrement fermé, et a développé de nombreuses avancées technologiques exclusives. Alex Thomson est là où il veut être, prêt à en découdre avec ses 32 concurrents.
Les monstres à foils vont atteindre des vitesses phénoménales et générer un inconfort total avec risque de blessures graves, mal de mer pour certains, complètement enfermés à l’intérieur de la coque. Chaque geste demande une énergie hors normes.
« On a beaucoup travaillé sur l’ergonomie, le confort du skipper à bord. Je pense qu’on ne se rendait pas forcément compte, quand les bateaux à foils sont sortis, à quel point ça allait être invivable, à quel point ça allait mouiller. D’ailleurs, quand on voit comment les cockpits sont fermés et protégés sur la génération suivante de bateaux, on comprend ! «
«
, expliquait Louis Burton, le skipper de Bureau Vallée.
Entre ces machines à gagner que sont les bateaux à foils et la génération plus conventionnelle d’IMOCA, la différence sera de taille : « L’efficacité des foils démarre plus tôt. Avant, il fallait atteindre des vitesses de 14-15 nœuds – donc avoir des carènes très puissantes pour aller chercher ces vitesses. Là, on a des foils qui vont pousser plus forts dès 10-12 nœuds de vent, parce qu’ils sont plus grands. On a aussi beaucoup progressé sur les formes de ces appendices. Désormais, ils soulèvent le bateau à partir d’une certaine vitesse et s’affranchissent complètement de la traînée de coque. On n’est pas en vol complètement stable, les bateaux touchent encore l’eau parfois. Mais on a des vraies phases de vol dans certaines conditions, on peut faire des différences de plusieurs nœuds, 5-6 nœuds, par rapport à un bateau qui ne décolle pas », racontait Thomas Ruyant avant le départ.
Quant à Alan Roura, il reste confiant sur ce tour du monde : « «J’aime rappeler que le Vendée est un marathon, pas un sprint », dit-il. « Ce n’est jamais le bateau le plus rapide en vitesse pure qui a gagné jusque-là. C’est toujours le navigateur qui a su mettre le curseur au bon moment au bon endroit », expliquait le navigateur suisse à nos confrères de « 24 heures. »
Pour tous les skippers, prendre le départ ce dimanche 8 novembre était un vrai soulagement, après les jours de confinement strict pour cause de Covid19. Laura Le Goff, directrice générale du Vendée Globe, a elle aussi poussé un grand ouf de contentement : « Après ces longs mois de travail autour de la mise en place du village grand public, avec toutes les règles de protocole sanitaire sur lesquels nous avons dû travailler, ce départ est un aboutissement. On s’est plié aux exigences des autorités, mais on avait pour objectif premier que la course parte – et elle est partie » précisait Laura, satisfaite.
Les concurrents devaient affronter une première nuit difficile dans le Golfe de Gascogne, puisqu’un front assez dur devait les cueillir à froid avec des rafales jusqu’à 30 nœuds.
A la fin de cette première journée, c’est Jérémie Beyou sur « Charal » qui menait la danse, suivi de près par Charlie Dalin sur « Apivia » et d’Alex Thomson sur « Hugo Boss ». Tous trois foilers de dernière génération.