Le vainqueur du Bol d’Or se prépare à ramener la Coupe de l’America en Suisse. Ce PDG atypique dirige une multinationale leader en Europe des biotechnologies et valeur phare de la bourse suisse. Depuis juillet 2000, les actions de Serono, représentées par des American Depositary Shares, sont également cotées sur le New York Stock Exchange. M. Bertarelli a-t-il d’autres passions que la voile ?
Vous dirigez l’une des trois plus grandes sociétés au monde de biotechnologie, pouvez-vous expliquer à des néophytes quelles en sont les principales activités ?
Le groupe Serono est spécialisé dans le développement, la production et la commercialisation de produits pharmaceutiques. L’origine de Serono remonte à 1906, lorsque le professeur Cesare Serono fonde l’Istituto Farmacologico Serono à Rome. C’est dans les années 1980 que Serono a abordé la biotechnologie, qui consiste à transférer une information génétique d’une cellule humaine à une cellule-hôte. L’information transférée permet à la cellule-hôte de synthétiser la protéine humaine codée par l’ADN. Les protéines que nous produisons sont utilisées pour traiter l’infertilité, la sclérose en plaques, les troubles de la croissance et la cachexie liée au SIDA. Avec six produits recombinants sur le marché et un chiffre d’affaires de plus de 1,240 milliards de dollars américains en 2000, Serono est la troisième société mondiale de biotechnologie.
Dans combien de pays êtes-vous présents, combien de collaborateurs employez-vous à travers le monde et en Suisse ?
Nos opérations sont pleinement intégrées, c’est-à-dire que nous fabriquons et commercialisons nous-mêmes les produits issus de notre recherche. Nous sommes présents dans le monde entier avec des filiales dans 45 pays et des centres de production dans 8 pays. Nos médicaments sont vendus dans plus de 100 pays. Nous comptons plus de 4200 collaborateurs dans le monde, dont 1300 en Suisse. A Genève nous sommes plus de 700, dont plus de 200 à Plan-les-Ouates, où l’objectif est de découvrir de nouvelles solutions thérapeutiques en immunologie et neurobiologie et de les développer jusqu’à la phase pré-clinique.
Serono a transféré son siège monde en Suisse en 1977, quels sont les atouts de la Suisse pour votre développement ?
Les facteurs importants qui ont décidé l’entreprise à s’implanter à Genève sont de natures diverses, tels que la qualité de son environnement et de son cadre de vie, ses infrastructures et ses moyens de communication, son aéroport international, une place d’affaire internationale, un potentiel de développement économique important, la qualité des services aux entreprises et une main d’œuvre qualifiée. Nous ajouterons aussi l’importance d’un environnement économique stable, d’une situation géographique au cœur de l’Europe, de la tradition, de la présence d’industrie de haute valeur ajoutée et d’un soutien politique et populaire à l’industrie de la biotechnologie.
Votre société fêtera un siècle d’existence en 2006, alors que vous-même passerez le cap de la quarantaine, pouvez-vous nous résumer votre parcours professionnel ?
Dès mon plus jeune âge, mon père m’a fait découvrir tous les rouages de l’entreprise et le monde fascinant des biotechnologies: à la fois très humain et d’un niveau intellectuel particulièrement stimulant. J’ai étudié à Boston et obtenu un MBA à Harvard. J’ai commencé ma carrière chez Serono en 1985, gravissant tous les échelons de la hiérarchie commerciale et marketing. Dans les années 90, j’étais aux côtés de mon père qui m’a véritablement impliqué dans la stratégie de l’entreprise et les grandes décisions à tous les niveaux. Il souffrait d’un cancer et est parti en 1998, mais il avait eu le temps de me former à sa succession: je dirige Serono depuis 1996.
Votre jeunesse et votre passion sans limite pour la voile vous confèrent un statut de PDG atypique, comment êtes-vous perçu par vos pairs ?
Ce n’est pas une question facile, mais il y a une telle différence d’âge avec les autres dirigeants du secteur pharmaceutique qu’il n’y a pas vraiment de concurrence machiste entre eux et moi. Et plus les années passent, plus cette différence d’âge s’estompe… Quant à ma passion, je la pratique certes à un niveau de compétition élevé, mais tout le monde a une passion ou un hobby et y consacre du temps et des moyens.
Vous reste-t-il du temps pour votre famille ?
Oui, absolument. J’ai une fille de sept mois et mon épouse a été élevée comme moi, en voyageant beaucoup. Nous voyageons donc ensemble et passons des moments fantastiques, comme dernièrement à Cowes, pendant le Jubilé de l’America’s Cup.
Les moyens que vous donnez au Team Alinghi et l’équipe elle-même vous placent en position de favori, quel regard portez-vous sur les autres défis ?
Vous savez, on ne fait pas une course à l’armement. Vous avez raison de parler d’équipe, c’est son travail qui comptera plus que l’argent investi. Nous avons une vision commune pour la victoire et nous devons tous nous atteler à la matérialiser. Il y a des défis plus structurés que le nôtre, comme Prada qui a toute une infrastructure existante, et des défis plus riches, comme Edisson.
Si vous gagnez l’America’s Cup en 2003, retenterez-vous l’aventure à nouveau ?
Probablement oui, car ce sera à nous de défendre le titre, et je ne voudrais louper ça pour rien au monde !
Un seul homme a remporté le trophée du Bol d’Or plus d’une fois, vous fixez-vous d’autres objectifs après votre première réussite ?
Le Bol d’Or est une course mythique et je veux la gagner à nouveau !
Avez-vous d’autres passions et doit-on s’attendre à un coup d’éclat dans un autre domaine ?
Seul l’avenir nous le dira.