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Un week-end à la voile entre vents et merveilles

par Anne Fabre

Entre îles rêveuses, courants joueurs et escales pleines de charme, embarquez pour un week-end à la voile au cœur de l’un des plus beaux golfes du monde.

Là où l’Atlantique s’infiltre dans la terre, le golfe du Morbihan déploie son labyrinthe d’îles et de courants. Naviguer ici, c’est apprendre à lire la mer autant que les pierres, à manœuvrer sous la dictée des marées, à écouter un monde ancien murmurer sous la coque. Pour qui sort le compas de relèvement et empoigne les jumelles, chaque mille devient un challenge maritime, une aventure, surtout s’il choisit d’éteindre la carto !

Bienvenue aux curieux et aux courageux dans un des plus beaux terrains de jeu pour la navigation à la voile. Pour offrir aux navigateurs ce fabuleux terrain de jeu qu’est le golfe du Morbihan, la Bretagne sud a dû accepter il y a plus de 10’000 ans de laisser certaines de ses terres disparaître sous l’eau. Cette métamorphose a donné naissance à un labyrinthe insulaire qui émerveille aujourd’hui les marins tout autant que les rêveurs. Cette mer intérieure d’une quinzaine de kilomètres de long sur cinq à neuf de large, ne possède qu’une unique ouverture vers le large – large d’à peine un kilomètre entre la vibrante Port-Navalo et la discrète Locmariaquer. À chaque marée, ces deux villages sont les témoins du manège naturel animé par les masses d’eau spectaculaires qui entrent ou s’échappent du Golfe. Ici, l’océan Atlantique s’engouffre chaque jour dans la « petite mer» – mor bihan en breton – avec une puissance impressionnante. Le flot et le jusant y propulsent les courants parmi les plus rapides d’Europe, pouvant atteindre jusqu’à neuf nœuds aux plus forts coefficients.

La plus exigeante comme la plus belle des écoles de voile

Prendre la barre dans le Golfe, c’est apprendre ou revoir tous les fondamentaux du marin : lecture de cartes, utilisation des alignements, positionnement par un, deux ou trois amers, compréhension du balisage, calcul de caps en tenant compte de vrais courants ! Pour mener à bien le voyage, il est salvateur également de savoir déjouer les espiègleries du vent et de la mer : courants et contre-courants pour ceux qui viendront lécher la côte avec leur proue, rotations-disparitions-accélérations du vent près des îles. Mais rassurez-vous : ce bassin de navigation est bien plus qu’un terrain d’expérimentation pour instructeur de voile sadique en quête de cobayes ! Le Golfe est remarquablement bien balisé, et tout apprenti marin un tant soit peu préparé peut y naviguer sans crainte. Il offre de nombreux abris et une mer infiniment plus douce que celle de son grand frère, l’océan. Avec ses innombrables mouillages, ses îles tantôt habitées tantôt sauvages, ses petits ports, ses villages de pêcheurs et d’ostréiculteurs, ses vieux châteaux et ses rochers mystérieux, le Golfe est un enchantement pour les yeux.

Chaque escapade à terre vous ravira tout autant : longères de granit, roses trémières et agapanthes, chapelles romanes, murets moussus, vieux châteaux et chaumières, les fameux volets bleus de Bretagne… tout y est. Même la gastronomie ne vous oubliera pas, avec ses saveurs iodées et son goût du terroir ! Vous l’aurez compris, hisser les voiles dans le golfe du Morbihan, c’est embarquer pour un voyage bien plus vaste qu’une simple croisière : glisser sur des eaux chargées de mémoire, au cœur d’une nature aux accents de féerie, l’œil aux aguets, le cerveau en ébullition, tous les sens en éveil et les écoutes actives. Vous ne saurez plus où donner de la barre… mais vous adorerez ça !

Tordons le cou tout de suite à ceux qui vous lanceront la sempiternelle blague météorologique : la Bretagne s’en moque et vous aussi d’ailleurs. Rappelez-leur donc le dicton du cru : « À trop écouter la météo, on reste au bistrot » et laissez-les y. N’écoutez pas non plus ceux qui, pour s’y être aventurés sans préparation, vous rebattront les oreilles avec le récit de leur échouage mémorable dans la vase du Golfe. N’en doutez-pas : vous, votre ciré et votre barque êtes prêts pour l’aventure ! Larguez les amarres avec nous en vous immergeant dans la lecture de ce récit anticipé d’un week-end à la voile dans le golfe du Morbihan. C’est la promesse de quelques bons conseils pratiques, d’un itinéraire aux petits oignons pour que votre équipage s’amuse à bord comme rarement. Décollage samedi 5 juillet 2025 au matin, à la sainte Zoé, par lune gibbeuse croissante et marée de mortes-eaux (coefficient 38) !

D’un mythe à l’autre : rejoindre le Golfe depuis La Trinité

Comme Cendrillon a besoin d’un carrosse pour le bal, vous aurez besoin d’une belle embarcation pour sillonner les eaux du Morbihan. La location d’un voilier depuis le port du Crouësty ou celui de La Trinité-sur-Mer est une option idéale. Notre préférence va, pour son ambiance authentique tout autant que de course au large, à celui de La Trinité-sur-Mer. Un départ depuis ce port mythique vous donnera, de surcroît, l’occasion d’entrevoir, avant de rejoindre le Golfe, un peu de cet autre terrain de jeu merveilleux qu’est la baie de Quiberon. Le sondeur à main a été vérifié, la courbe de déviation est prête, l’atlas des courants grand ouvert sur la table du carré, les hauteurs d’eau en différents points du Golfe calculées pour le week-end ? La météo bien sûr, la météo, Capitaine ! Sans atteindre ces excès de préparation, une bonne familiarisation à la carte avec la topographie du Golfe est un atout certain pour votre sécurité et votre sérénité. Repérez bien votre itinéraire et, en cas de doute sur l’eau, stoppez le bateau face au courant pour respirer! En ce samedi matin, c’est BM à 7 h 39 à La Trinit’, une bonne heure pour allumer le moteur en somme, ni trop tôt ni trop tard! Un peu moins de dix milles à parcourir, pour se mettre en jambes, en profitant des belles lueurs du matin sur la côte bretonne. Aux alentours de 10 h, vous serez dans la passe, la belle tourelle rouge de Kerpenhir et sa sainte Vierge, à bâbord, en plein bouillon, quasi au plus fort du courant du jour. Vous serez très certainement escorté par une joyeuse armada de petits et grands voiliers. Souvent aussi, un pêcheur du coin dans sa barque file à contre-courant au gré d’un reflux qu’il connaît comme sa poche alors qu’un lève-tard optimiste se retrouve à faire du surplace pour rejoindre l’océan. Si vous avez allumé les instruments, régalez-vous de votre vitesse sur le fond mais restez vigilant ! Vous ne tarderez pas à apercevoir le Grand Mouton, la première verte du chenal, reconnaissable surtout à l’écume que les courants font jaillir à son pied. Ça y est, vous y êtes : le Golfe s’ouvre devant vous. Des monts, des pins, des reliefs découpés, de l’eau à perte de vue… un paysage qui s’épanouit soudain dans toute sa splendeur.

Cap sur le déjeuner, entre homard et haubans

Passé le Grand Mouton, changement de cap au 060 pour longer l’île longue, Gavrinis, et finalement atteindre, en un peu plus d’un mille, le goulet entre l’île Berder et celle de la Jument. Pour viser de passer au sud de l’Île-aux-Moines, il va vous falloir prendre garde au banc de Kerbouzec et demeurer dans les eaux profondes. Aussi, en même temps qu’un équipier lorgne le sondeur, envoyez-en donc un autre, harnaché de jumelles et du compas de relèvement, vous aider à maintenir la tour de Berder au 325 par l’arrière. Que d’émotions déjà ! Mais pas de nom d’oiseau à bord surtout ! Le Morbihan est le règne de la voile polie, subtile et élégante ! Allez, qu’il ou elle file en cuisine, l’heure de la pause approche ! Rassurez-vous, les courants pourront vous porter encore quelques heures vers le fond du Golfe où la marée aura ce jour 1 h 30 de décalage avec Port-Navalo. Prenez un coffre, à la voile bien sûr, à la pointe sud de l’anse de Kerners, pour un déjeuner au calme. Désarrimez le homard, sortez la tarte aux fraises de Plougastel et régalez-vous, à tous points de vue, entre les éclats de rire du bord et ce décor qui se laisse désormais contempler.

Balades insulaires et escales enchantées

Pour éviter la léthargie postprandiale, jetez-vous donc à l’eau pour un petit coup de fouet avant de reprendre la mer. Direction le fond du Golfe, en profitant des derniers moments du flot, pour 5 à 6 NM de distance, et une ETA 16 h, ce serait bien. Un beau passage pour votre digestion, sans encombre, à admirer les côtes est et ouest de l’Île-aux-Moines et de l’Île-d’Arz. Passez la rouge L’œuf, puis visez la pointe de Liouse, au sud de l’Île-d’Arz pour éviter les eaux peu profondes u milieu de la zone. Quand vous aurez la verte Brouel par le travers, vous pourrez faire cap sur ce passage étroit entre les deux plus grandes îles du Golfe. Une petite zone de mouillage adorable vous attend au nord des îles Logoden pour la nuit : sonde à 2,4 / 3,2 m, plus le marnage du jour, à multiplier par le coefficient du Capitaine ! Sinon, poussez un peu plus loin dans la rivière de Vannes pour une bouée au paisible Port-Anna, coincé entre deux rives boisées, abritant quelques jolies barques locales, dont trois typiques sinagos, chaloupes à deux mâts des pêcheurs de Séné d’autrefois, reconnaissables à leurs voiles rouges et à leur coque noire.

Quel programme pour demain vous demanderont au dîner vos membres d’équipage impatients ? Départ 9 h pour 1 h 30 de courant sortant vers Port-Blanc, port principal de l’Île-aux-Moines, au point où celle-ci fait face à Baden dans un étroit passage de 150 m de large. Vous passerez une journée à terre, délicieuse, à parcourir ses chemins pavés ou ses chemins. Certains feront le tour de ce papillon de terre, alors que d’autres choisiront de déambuler tranquillement dans les ruelles du village. Il est probable que tous se retrouvent sur la petite plage aux cabines colorées, non loin du port.

A 17 h, deux heures après la pleine mer de Port-Blanc, vous devrez sans doute mettre un peu d’avant pour permettre à vos équipiers de larguer l’amarre, tendue par le courant. Descendez tranquillement le long de la côte ouest, guidés par les perches cardinales Creizig nord puis sud que vous pouvez viser successivement, en les laissant sur votre bâbord, pour éviter les bancs de Kergonan et Creizig. Si le suroît vous invite à louvoyer par ici, souvenez-vous bien du vieil adage breton : « Quand les mouettes ont pied, il est temps de virer» ! Bientôt, les reliefs de Berder et de la Jument réapparaissent. Vous serez aux anges dans ce dédale de terre et de mer qui donne le tournis, votre coque parfois toute de travers sur sa route, comme un caddie à la roue voilée. Ce soir, vous dormirez à la bouée à Locmariaquer. Organisez une visite à terre aux lueurs du crépuscule : le village, la pointe de Kerpenhir que vous avez franchie hier à peine, les grandes plages de l’Atlantique, un dîner au bord de l’eau pour contempler inlassablement cet endroit magique. Lundi 7 juillet, 8 h : il sera l’heure de tenter de rejoindre l’océan Atlantique (BM à Port-Navalo à 9 h 33). Ne faites confiance qu’à vous-même pour le réveil, il est bien possible que certains jouent de ruse pour gagner un petit tour gratuit de 6 h par ici !

Évidemment que vous reviendrez, ne soyez pas si ému ! Qui a hissé les voiles ici y cède toujours un peu de soi. Pourquoi ne pas laisser les belles et douces Houat et Hoëdic apaiser votre chagrin car, ce qui vaut en amour le vaut aussi en mer : une de perdue, dix de retrouvées !

Infos pratiques

Comment s’y rendre ?

Un vol Nantes/Genève puis une voiture de location vous transporteront rapidement à La Trinité-sur-Mer. Cette charmante petite bourgade au port plus grand qu’elle, vous mettra rapidement dans l’ambiance maritime, entre Ultim et vieux gréements. Alternative Sailing sera un excellent interlocuteur pour vous fournir un habitat flottant pour le week-end. Une fois votre voilier pris en main, prévoyez un avitaillement au super-marché Carrefour et à l’épicerie du port. La soirée venue, profitez de l’ambiance conviviale des quais avec nos restaurants préférés :
Le Quai, à l’ambiance classique et chaleureuse.
Le Carré 56, plus trendy, revisite des plats iodés du marché avec créativité. Plus chic, L’Arrosoir séduit par sa vue sur le port, son élégant décor maritime et sa belle bâtisse en pierre typiquement bretonne.
Quel que soit votre choix, pensez à réserver.

Si vos préparatifs nautiques de la veille vous ont accaparés, vous pourrez toujours faire vos emplettes dès l’aube du départ : la halle aux poissons et le marché du samedi matin vous fourniront tout le nécessaire pour vos repas gourmands à bord.

Lors de votre première halte à terre, à l’Île-aux-Moines, empruntez à pied, depuis le village, les ruelles fleuries et les chemins du sud de l’île. Un petit supermarché sur la place vous permettra d’organiser un pique-nique si nécessaire. Sinon, quelques déambulations au hasard vous ramèneront toujours à votre point de départ en vous offrant un agréable aperçu des beautés architecturales et naturelles que recèle cette île. Quelques bars et restaurants très agréables sur la place du village seront parfaits pour le déjeuner. Vous pouvez aussi opter pour une expérience plus insolite sur une ancienne barge ostréicole reconvertie en restaurant, le long du quai sous le village. Impossible de la manquer en débarquant !

Lors de votre deuxième escale, à Locmariaquer, petit port tranquille où il fait bon flâner, faites une pause à la crêperie Le Vahiné, une adresse colorée, épicée et accueillante où les galettes sont savoureuses et les crêpes délicieusement beurrées. La terrasse de L’Escale est, elle aussi, idéale pour un apéritif avec une vue imprenable sur l’entrée du Golfe et le début de la rivière d’Auray. Avant de repartir, ne manquez pas un passage à la boulangerie près de l’église : tartes aux fruits, far breton et kouign-amann valent le détour.

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