Après plus de trois ans passés au sein du Comité Central de Swiss Sailing, Marc Oliver Knöpfel a été élu président de l’association faîtière des clubs de voile suisses au mois de novembre 2020. Fin mars, quelques mois après son élection, ce dernier abandonnait son mandat pour succéder à Jean-Claude Ray en tant que Directeur. Encore Président en fonction lors de l’interview, il confiait à Skippers sa vision de la fédération.

Propos recueillis par Quentin Mayerat

Vous avez entamé votre mandat dans un contexte pandémique, comment cela a-t-il influencé votre action en tant que président de Swiss Sailing ?
Nous avons surtout appris à utiliser de nouveaux moyens de communication. L’avantage: le Comité Central a gagné en agilité et en rapidité dans ses prises de décision. La pandémie a permis à Swiss Sailing de faire de grands progrès en dynamisme et en modernité dans sa collaboration interne. Nous ne voulons plus y
renoncer à l’avenir.

Il s’agit aussi d’une période délicate pour certains clubs qui n’ont pas engrangé autant de cotisations que les années précédentes… Il y a différentes réalités. Prenons le cas du Segel-Club Enge. Il a connu une augmentation substantielle de ses membres, principalement grâce aux efforts très actifs et innovants du comité de direction.. De l’autre côté, on observe que certains grands clubs – notamment ceux qui disposent d’un club-house ou d’un restaurant – ont eu plus de difficulté à équilibrer leurs comptes. Nous avons eu la possibilité d’obtenir 1,1 million de francs de la part de Swiss Olympic afin d’aider les clubs dans cette situation de crise. Nous sommes parvenus à satisfaire 95 % de leurs demandes.

Quel regard portez-vous sur le bilan de votre prédécesseur Martin Vogler et du Comité Central dont vous faisiez partie ?
Au sein du Comité Central, le changement majeur a été notre manière de communiquer. Nos échanges sont plus amicaux et nous sommes plus ouverts sur les différentes régions et cultures que par le passé. Nous essayons désormais de mettre en commun les idées et de déterminer ensemble les meilleures actions.
Nous avons commencé avec un comité très germanophone et je pense que cela n’a pas été bénéfique. Nous avons besoin de l’expérience, des connaissances, et de la passion vélique que les Romands ont à offrir. Avec le retrait de Martin Vogler et d’Olivier Baudet, nous avons deux sièges vacants au sein du Comité Central, ce qui donne une chance aux Romands d’agir activement au sein de la fédération. C’est aussi l’esprit de notre nouveau slogan : « Sailing nation Switzerland ». Notre volonté est de bâtir des ponts pour surmonter le fameux roestigraben.

« Swiss Sailing c’est l’ensemble des navigateurs, des régatiers, des windsurfers et kiters de ce pays : nous sommes toutes et tous Swiss Sailing. »

Après l’Assemblée générale du 14 novembre dernier, votre mandat aura été l’un des plus brefs de l’histoire de la fédération avec moins de six mois d’exercice. Comment expliquez-vous cela à la communauté nautique helvétique ? Il y a quatre ans, quand Martin Vogler a pris la présidence, nous étions satisfaits de nous ranger derrière une personne qui était prête à endosser ce rôle. Avec son départ, de nombreux clubs et classes m’ont sollicité et m’ont fait comprendre que c’était à mon tour de m’investir. C’est ce que j’ai fait. Trois semaines après mon élection, Jean-Claude Ray, notre directeur, m’a informé avoir reçu une offre d’emploi en lien avec le DFAE. C’était bien sûr une mauvaise nouvelle pour notre structure, mais nous avons respecté son choix et le remercions pour toutes ces années d’investissement. Après mûre réflexion, j’ai réalisé que ce poste pourrait correspondre à mon profil. Cela allait me permettre de m’investir ainsi à 100 % pour la fédération, alors que le cumul de mon activité professionnelle avec mon engagement bénévole commençait à atteindre ses limites. Et très rapidement, j’ai déposé ma candidature. Bien sûr, je me suis immédiatement mis en retrait du jury chargé de mener les entretiens et j’ai été exclu de toute information en lien avec le sujet. Le Comité Central a finalement décidé de me faire confiance avec cette nouvelle responsabilité. C’est une chance de pouvoir pousser un cran plus loin mon engagement pour la voile, de pouvoir vivre ma passion dans un contexte professionnel. C’est un rêve qui devient réalité.

Juerg Kaufmann

En tant que directeur, vous allez influencer la structure et le futur de Swiss Sailing. Quelle sera votre stratégie et quelles seront vos priorités ?
En premier lieu, il nous faudra consolider nos acquis. Depuis 2017, nous nous efforçons d’améliorer l’efficience de la fédération et nous devons continuer dans ce sens. D’une manière générale, nous devons veiller à ce que chaque franc suisse dépensé pour nos frais de fonctionnements ait la meilleure utilité possible pour nos membres. Il faut améliorer l’attention que nous portons à nos clients. Nos clients sont nos membres, c’est-à-dire les clubs et classes. Notre rôle est de les servir.

Comment les clubs perçoivent-ils l’image de Swiss Sailing, selon vous ?
Je dirais qu’elle est déjà bien meilleure que par le passé. Auparavant, la fédération avait quelque chose de très élitiste. Le Comité Central était plutôt réservé aux hommes de plus de 60 ans habillés en costume-cravate. Occuper une place au Comité Central était plus perçu comme un honneur qu’une mission bénévole. Puis, les clubs se sont réveillés et ont demandé des comptes : « Nous payons 60 CHF par an et par membre, mais que faites-vous pour nous ? Faites quelque chose ! », nous ont-ils dit. Je pense que nous sommes parvenus à changer cette perception avec le Comité Central entré en fonction en 2017. Ce que nous devons retenir, c’est que Swiss Sailing n’est pas ses dirigeants. Swiss Sailing c’est l’ensemble des navigateurs, des régatiers, des windsurfers et kiters de ce pays : nous sommes toutes et tous Swiss Sailing. C’est cela que l’on comprend derrière le slogan « Sailing nation Switzerland ».

Quels futurs voyez-vous pour les sports de voile en Suisse ? Où voyez-vous Swiss Sailing d’ici dix ans ?
Là où nous pouvons nous améliorer, c’est intégrant efficacement les structures de « boatsharing » comme Sailbox ou Sailcom dans notre dispositif. Connaissant la tension qui pèse sur les places de port, ce genre d’initiative permet de susciter des vocations en donnant la possibilité à plus de monde de naviguer. Logiquement, cela fait croître le réservoir de navigateurs qui ensuite peut se tourner vers les clubs pour une pratique sportive. Il y a un autre univers sur lequel nous devons travailler, celui des sports de glisse nautiques. Le windsurf est relativement bien intégré à Swiss Sailing, mais rien n’a été fait pour le kitesurf jusqu’à présent. Nous avons ici des milliers d’adhérents potentiels auxquels nous n’offrons pour l’heure aucun service. Il y a beaucoup de défis à relever pour réunir ces mondes, cela prendra du temps, mais j’espère que dans dix ans nous y serons parvenus.

Juerg Kaufmann