Un départ dans la tempête et du gros temps en sortie de Solent, la version 2023 de la course du Fastnet n’a pas été de tout repos. Les concurrents ont dû affronter des conditions dantesques avec des rafales à plus de 90 km/h et une mer formée. Après une vingtaine d’heures de course, on dénombrait déjà 86 abandons.

Texte : Jean-Guy Python

Cette course mythique fête ses cinquante ans d’existence. À cette occasion, elle a connu une participation record, puisque 480 bateaux et 4’500 marins de 31 nationalités différentes étaient inscrits au départ. La Rolex Fastnet reliait cette année Cowes (île de Wight) à Cherbourg (France) via le mythique rocher du Fastnet, petit îlot situé au sud-ouest de l’Irlande. Pour la deuxième fois de son histoire, la course se terminait à Cherbourgen-Cotentin. La plupart du temps, les arrivées de la Fastnet se jugent à Plymouth (Angleterre).

D’emblée, il faut souligner le très beau parcours de la Versoisienne Justine Mettraux. Au terme d’une course fidèle à sa réputation – 40 nœuds de vent en Manche et plus de 160 abandons (un tiers de la flotte), – Justine Carlo Borlenghi Mettraux et Julien Villion terminent en septième position à Cherbourg, une place enviable sur le papier, mais aussi compte tenu des conditions de cette cinquantième édition.
Pour sa première course de la saison, TeamWork a tenu bon dans la première partie face au mauvais temps et a su maintenir le rythme sur le reste du parcours, dominé par un quatuor d’IMOCA plus récents, dont Macif mené par Charlie Dalin et Pascal Bidégorry, qui sort vainqueur.
En remportant cette course, deux ans après sa victoire à bord d’Apivia, Charlie Dalin réalise à nouveau l’exploit, mais cette fois à bord d’un bateau neuf. Le nouveau Macif mis à l’eau il y a un mois démontre déjà un incroyable potentiel. Pendant ces deux jours de course, il a longtemps joué derrière Arkea Paprec, mené par Yoann Richomme et Yann Eliès. La victoire s’est jouée lors des dernières heures, dans l’ouest de la pointe de La Hague. C’est à ce moment seulement que Dalin et Bidégorry ont réussi à prendre l’avantage qu’ils ont su garder jusqu’à l’arrivée. Sam Goodchild à bord de For The Planet complète ce podium.
Les Jujus de TeamWork voulaient du match ? Ils ont été servis tout au long d’une balade irlandaise qui ne fut pas de tout repos. «Notre faculté à jouer en tête du deuxième groupe avec des bateaux globalement plus récents nous a permis de nous en sortir très bien dans le vent fort, au près comme au portant. Nous avons encore détecté quelques points que nous pouvons améliorer pour trouver plus vite les manettes du bateau et nous allons travailler ça en août », expliquait Justine Mettraux à Cherbourg. Bravo donc à celle qui ne devrait pas tarder à faire des étincelles sur la prochaine Jacques Vabre et en 2024 lors du Vendée Globe.

Résultat décevant pour Roura

Alan Roura et Simon Koster terminent en 17e position à l’issue d’une épreuve difficile pour les nerfs, mais qui s’inscrit dans la continuité du travail initié par le duo suisse depuis le début de l’année. «On savait en partant que ce serait encore une fois très compliqué d’être dans le match, sur un format si court et avec la moitié du parcours au près. On est clair avec Simon: on sait qu’on ne peut pas faire mieux par vent de face, alors on ne se pose plus de questions, on serre les dents et on lâche les chevaux dès qu’on peut», rappelle Alan. Naviguer au près avec des foils en C est une équation impossible! Car c’est bien là que réside la plus grande faiblesse du duo RouraHublot, quand bien même renforcé par l’arrivée de Simon Koster: la navigation au près.
Doté de foils en C, l’IMOCA pensé et conçu par l’équipe d’Alex Thomson avec comme seul objectif le Vendée Globe, pâtit en effet d’un sévère handicap par vent de face. Mais à la question qu’on lui pose régulièrement de modifier ces foils afin de « rentrer dans le rang », la réponse du navigateur est catégorique: c’est non! «Changer les foils signifierait changer de puits de foils et d’emplacement des puits. Cela représente un chantier à plus d’un million d’euros, ce n’est pas à l’échelle de notre projet. Et ce n’est pas non plus la philosophie du bateau. Il a été construit ainsi et nous le savions quand nous l’avons acheté. Si nous l’avons choisi, ce n’est pas pour en changer l’essence.» Objectif Vendée Globe donc !

Elodie-Jane Mettraux sur Lazartigue

Ces conditions musclées ont plutôt réussi aux multicoques géants puisque ceux-ci ont largement profité des conditions exécrables de la course, à l’image de François Gabart, Tom Laperche, Elodie-Jane Mettraux et ses trois autres membres d’équipage sur le trimaran ultime de 32 m, SVR Lazartigue, qui, non seulement finit la course en tête, mais inscrit un nouveau record de l’épreuve en 1 jour, 8 heures, 38 minutes et 27 secondes : «Ça n’a pas été facile pendant les premières heures de la course avec du vent de face, très fort. J’étais inquiet pour le bateau à ce moment-là mais le retour entre le rocher du Fastnet et Cherbourg était au portant et nous volions en permanence. Nous avons toujours été au contact avec Banque Populaire, nous pouvions les suivre à l’AIS. Cela nous a mis beaucoup de pression», raconte François Gabart C’est seulement 58 minutes et 16 secondes après l’arrivée de Gabart que Banque Populaire X, skippé par Armel le Cléac’h, a coupé la ligne d’arrivée en deuxième position. À l’aller, les deux s’étaient séparés au niveau de la DST des Casquets avec Banque Populaire cap plein sud. Juste à côté de la presqu’île du Cotentin où ils ont viré, le Cléac’h s’est alors blessé à la tête lorsque l’écran protégeant le poste de barre a été brisé par une vague.

Un bateau suisse gagne au temps compensé

Belle surprise au final, c’est un bateau immatriculé en Suisse qui est le grand vainqueur au temps compensé de cette édition du 50e anniversaire. Avec un équipage principalement anglo-saxon, le Botin 52 Caro de Max Klink, un homme d’affaire lucernois, d’origine allemande, a installé son monocoque de cinquante pieds à la première place dans la catégorie IRC Overall en 3 jours, 19 heures, 22 minutes et 29 secondes.