Le clap de fin des D35 a retenti fin septembre au large de la SNG, mettant un terme à seize saisons de régates d’une rare intensité. Retour sur quelques faits qui ont marqué la série avant de laisser la place aux TF35.

Texte: Vincent Gillioz

Une cinquantaine de privilégiés ont pu écouter, samedi 21 sep- tembre en milieu d’après-midi, sur le canal radio du Grand Prix de clô- ture, les mots chargés d’émotion prononcés par Nicolas Grange : « Je remercie tous ceux qui se sont investis durant ces seize saisons pour la réussite de nos championnats. Une page de l’histoire nautique du Léman se tourne.» Le président de l’association des propriétaires de D35 n’a pas pu retenir quelques trémolos au moment de lancer le der- nier départ de ces merveilleux multicoques. L’ultime course, remportée par Alinghi, a eu un caractère véritablement spécial, que seuls ceux qui étaient sur l’eau ont pu percevoir.

Première commande

À l’issue de la rencontre, les différents acteurs qui ont contribué à construire l’histoire de la série se sont retrouvés pour fêter dignement ce règne. L’occasion de se remémorer quelques souvenirs, comme celui du début du projet, lorsque les propriétaires de F40, décimés lors du Bol d’Or 2003, se retrouvaient pour dessiner l’avenir. Ils ont alors dû décider si chacun voulait développer son propre bateau et dépenser une fortune, ou si l’aventure de la monotypie en tentait suffisamment pour démarrer une nouvelle aventure qui devait mettre fin à la course à l’armement ? La deuxième option, qui était en gestation depuis quelque temps, a assez naturellement été retenue. Le côté cocasse de l’histoire, c’est que le contrat de principe, signé par Ernesto Bertarelli, Nicolas Grange, Guy de Picciotto, Philippe Cardis, Frédéric Amar, Nicolas Gonet et Yorick Klipfel, a été formalisé sur un set de table en papier.

Travail d’équipe

Quelques mois et de nombreuses heures de développement plus tard, Décision SA mettait en chantier la série, profitant de l’occasion pour optimiser au maximum sa production, afin de livrer les premières unités pour le Bol d’Or. « Nous nous étions engagés pour six bateaux, se souvient Bertrand Cardis. Au final, nous avons réussi à en livrer huit pour mi-juin. Nous avons mis l’accent sur la simplification, raconte encore l’ancien directeur de Décision SA, et avons beaucoup innové pour faire en sorte que le travail puisse être fait de manière confortable. C’était important pour l’équipe. Ce qui a été fantastique, c’est que nous avons mis en commun toutes les énergies et compétences du multicoque sur le Léman. Edourard Kessi, Gérard Gautier ou encore Christian Favre ont apporté un peu de leur savoir-faire. Jean-Marie Fragnière, Claude-Alain Jacot et Steve Wassem ont encore été des personnes clés de la réussite du projet. De toute façon, ça a été un travail d’équipe, et c’est ce qu’il faut saluer. »

Précurseur

La grande révolution du bateau a été le fameux pod central, en remplacement d’un réseau complexe de câbles en PBO pour reprendre les efforts. Le principe a été adopté depuis par tous les catamarans de compétitions. Le voilier a aussi légèrement évolué au fil des ans, et la raquette qui permet de placer du monde à l’arrière au vent lors des abattées a été ajoutée après la première saison et quelques belles frayeurs. «Au début, on avait un looping par année, confie Bertrand Favre, le série master. Chaque nouvelle équipe a eu droit à son expé- rience.» Les mâts, qui ont eu une fâcheuse tendance à tomber les premières années, ont également été renforcés, mais 32 ont quand même été réalisés sur les seize saisons. Le dernier – qui était gardé en remplacement – a pu être utilisé pour remplacer celui de Real- team, qui a brisé le sien lors du fameux Bol d’Or Mirabaud 2019.
Au vu du succès phénoménal de la série dès le début, quatre autres bateaux ont été construits, après la première série de huit. Les meilleurs régatiers du monde se sont essayés sur ce support qui est resté durant tout son règne une référence dans sa catégorie. Russell Coutts, Paul Cayard, Loïck Peyron, Alain Gautier, Pascal Bidégorry, Franck Cammas ou encore Michel Desjoyeaux ont écrit quelques- unes des plus belles pages de l’histoire de ce circuit à la longévité hors norme.

Noms des bateaux ayant participé à la saga des D35

SUI 1 Alinghi
SUI 2 Bedat & Co, Okalys, Okalys Youth project
SUI 3 Ferrier Lullin, Julius Baer, De Rham, Oryx
SUI 4 Zen Too
SUI 5 Zebra 5, Foncia, Team Tilt, Phaedo 2
SUI 6 Cadence, Alinghi 2, Ylliam, Ylliam – Comptoir Immobilier SUI 7 Zebra 7, Axiom, CER, Realstone, Realteam Sailing
SUI 8 Gonet & Cie, Romandie.com, Nickel, Racing Django
SUI 9 SmartHome, Zoulou, Mobimo, Cabestan
SUI 10 Ladycat, Ladycat Powered by Spindrift
SUI 11 Veltigroup, Swisscom, Eleven Sailing Team
SUI 12 Banque Populaire, Artemis Racing

Les vainqueurs du championnat des D35

Alinghi : 2007, 2008, 2009, 2013, 2014, 2017, 2018, 2019 Okalys : 2005, 2006
Zebra 5 : 2004
Banque Populaire : 2010

Realstone : 2012
Team Tilt : 2015 Ladycat powered by Spindrift racing : 2016

Nombre de concurrents participants au championnat

12 bateaux: 2009, 2010
11 bateaux: 2011, 2013, 2014, 2015 10 bateaux: 2007, 2008, 2016

9 bateaux: 2012, 2017
8 bateaux: 2004, 2005, 2006, 2018

7 bateaux: 2019

L’histoire des D35 en chiffres, c’est…

• 12 bateaux produits ; huit en 2004, deux en 2007, deux en 2009. • 32 mâts construits.
• 150 rotations en hélicoptère ont été réalisées pour les mises à l’eau et mises à terre.
• 25 équipes différentes qui ont tourné sur le circuit durant les seize saisons; dont trois présentes sur toute l’histoire de la série: Alinghi, Zen Too et Okalys.
• 16 championnats courus ; deux fois Challenge Ferrier Lullin, cinq fois Challenge Julius Bär, quatre fois Vulcain Trophy et cinq fois

D35 Trophy.
• 1’000 courses disputées durant 123 manches, dont deux en Méditerranée.

• 14 victoires au Bol d’Or: Zebra 5: 2004
Okalys : 2005, 2007 Gonet & Cie : 2006 Zebra 7 : 2008

Foncia: 2009
Ladycat (puis Ladycat powered by Spindrift): 2010, 2014, 2016
Alinghi : 2011, 2017
Realstone: 2012
Team Tilt : 2015
Mobimo: 2018.