Dans le sport de haut niveau, la force mentale est un facteur déterminant. Pourtant, elle ne s’improvise pas. Au contraire, elle exige un entraînement aussi rigoureux que la préparation physique. Mais comment fonctionne le coaching mental, et quels bénéfices offre-t-il aux athlètes ? Skippers a mené l’enquête auprès de coachs spécialisés et de plusieurs navigatrices.
«On investit des efforts incroyables pour optimiser chaque détail de l’équipement des athlètes et améliorer leurs postures au millimètre près», remarque Eveline Bhend, une ancienne skieuse olympique qui s’est reconvertie dans le coaching mental il y a une dizaine d’années. «Mais que fait-on face à une tension corporelle inadéquate ou des pensées destructrices? L’entraînement mental est aussi important que l’entraînement physique. Chaque mouvement est influencé par l’esprit et les pensées ont un impact direct sur le corps, sous une forme ou une autre.»
De nombreuses études démontrent que les athlètes qui travaillent leur mental obtiennent de meilleurs résultats. Ils améliorent ainsi leur réactivité, leur capacité à gérer les frustrations et le stress.
Au sein du Thuner- und Brienzersee Seglerverband (TBSV), le coaching mental fait partie intégrante de la promotion de la relève. Pour Ernst-Peter Burger, le président du TBSV, il s’agit d’un élément indispensable : «En voile, tout se joue dans la tête. Il est important de ne pas se laisser distraire par des perturbations extérieures. C’est là que le mental prend tout son sens, en particulier chez les jeunes qui se laissent encore très facilement distraire».
Une approche polyvalente
Julia Kalenberg a accompagné les juniors du TBSV et sait comment fonctionne le coaching mental chez les plus petits : «Au début, nous travaillons en groupe pour poser les bases » explique-t-elle. Puis, lorsqu’ils passent au double, nous formons des binômes, ce qui permet aux enfants de voir les points forts de leur coéquipier, de mettre des mots sur ce qui fonctionne bien et de s’exprimer sur les qualités qu’ils apprécient chez l’autre. En coaching individuel, nous faisons souvent des balades en nature appelées “Solution Walk”. Les personnes coachées évoluent en répondant à des questions à échelle. Nous utilisons aussi des posters d’objectifs et des journaux de solutions pour rendre les progrès visibles. Ces outils ont aussi l’avantage de renforcer la confiance.»
Maayke van der Pluijm travaille comme coach mental avec les athlètes, les entraîneurs et les collaborateurs du Swiss Sailing Team. Dans cette fonction, elle les aide à développer des capacités mentales de base qui leur permettent de mieux gérer la pression pendant les compétitions. «Nous avons recours à des techniques de relaxation et de visualisation et renforçons le développement d’automatismes et de régulation des émotions», précise-t-elle. Aux Jeux olympiques, nous avons créé un espace sûr où les navigateurs pouvaient se reposer, nouer des contacts et se préparer mentalement à la prochaine compétition.»
MENTAL, A SOUTENU SWISS SAILING TEAM PENDANT LA CAMPAGNE OLYMPIQUE
ET AUX JO AVANT D’ŒUVRER POUR ALINGHI RED BULL RACING. ©Sailing Energy
ET ÉCONOMIE, ENCADRE DES TALENTS COMME MAJA
SIEGENTHALER ET ANJA VON ALLMEN (TBSV) ET S’ENGAGE
AU SEIN DU SWISS INSTITUTE OF SMALL BUSINESSES AND
ENTREPRENEURSHIP DE L’UNIVERSITÉ DE SAINT-GALL. ©DR
TITULAIRE D’UN MASTER EN SCIENCES DU SPORT, TRAVAILLE DEPUIS DIX ANS
COMME COACH MENTAL POUR LE TBSV. ©DR
Une progression sur le long terme
Le coaching mental repose sur la confiance. Entre l’athlète et le coach, il faut une forme d’alchimie pour que le courant passe et le succès s’installe. C’est un long chemin. Les premiers résultats se manifestent souvent au niveau scolaire : les élèves arrivent à mieux se concentrer, sont moins distraits et obtiennent de meilleures notes. Bref, leur quotidien scolaire se trouve facilité. Les performances sportives suivent avec le temps, car elles dépendent de nombreux paramètres.
Pour Maayke van der Pluijm, le succès de l’entraînement mental dépend de l’objectif que l’athlète s’est fixé. «Celui-ci se base généralement sur le ressenti quant au stress, l’état mental ou la concentration pendant l’entraînement et les courses. Très souvent, le coaching mental ne se limite pas aux résultats sportifs. Il permet aussi de mieux gérer les défis de la vie quotidienne. Le succès est une question d’équilibre. Un athlète équilibré physiquement et mentalement est plus apte à performer, car il sait mieux gérer la pression dans les compétitions de haut niveau, mais aussi dans la vie quotidienne.» Le coaching mental implique un processus qui demande du temps, de la patience et surtout une pratique régulière, estime Eveline Bhend. «La régularité est cruciale, insiste-t-elle encore. Les outils mentaux doivent être intégrés au quotidien, à l’école comme à l’entraînement. Sans cet exercice continu, les athlètes ne pourront pas mettre en pratique les acquis en compétition.»
Des athlètes convaincus
Plusieurs des meilleures navigatrices mondiales confirment l’importance de la préparation mentale. Maja Siegenthaler qui a trois participations olympiques à son actif témoigne: «Le coaching mental m’a appris à me concentrer sur l’instant et à progresser étape par étape, sachant que le succès se manifestera à un moment ou un autre. C’est une base essentielle pour avoir les outils nécessaires dans les moments difficiles. Ils permettent de transformer une crise en opportunité et en sortir renforcée. » Même son de cloche chez Anja von Allmen qui évolue en ILCA 6: «La force mentale fait toute la différence entre un bon athlète et un champion de niveau mondial. Plus tôt l’on commence, mieux c’est. Il faut être honnête avec soi-même, on apprend ainsi à se connaître et à répondre efficacement aux différentes situations sur l’eau.»
Zone magique
Dans un monde où la quête de l’excellence est un souci constant, le coaching mental devient indispensable, non seulement pour optimiser les performances, mais aussi pour renforcer la résilience et l’équilibre des athlètes. C’est le vent invisible qui gonfle les voiles et les conduit vers de nouveaux horizons. Eveline Bhend résume : « Le véritable potentiel de l’entraînement mental se déploie quand tous les facteurs sont réunis et que les athlètes atteignent la «zone magique» en toute conscience. Ce moment où corps et esprit fusionnent parfaitement et propulse l’athlète vers des sommets d’excellence.»