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Ernesto Bertarelli

par Brice Lechevalier

Vous inaugurez cette année le premier circuit de GC32 avec Alinghi. Par quoi avez-vous été séduit avant tout ?

En fait, après avoir remporté l’an dernier les championnats de D35 en septembre sur le Léman puis d’Extreme 40 à Sydney en décembre, je pensais qu’il était temps pour moi et pour le team de faire quelque chose de nouveau. Le D35 est incontournable puisque nous naviguons « à la maison » et que le circuit se porte très bien avec pour preuve que des jeunes, comme Team Tilt, nous rejoignent et que l’ambiance au sein du circuit reste très sympa. Même si nous avons eu beaucoup de plaisir en Extreme 40, c’est un circuit assez coûteux car il faut beaucoup voyager et nous sommes plus souvent en show qu’en régate, donc je me suis dit qu’il était préférable d’arrêter sur une victoire et de varier les plaisirs. Après une période d’observation des différents supports, nous avons appris que les GC32, qui avaient l’air prometteur, changeaient de foils. J’ai donc envoyé trois membres de l’équipe à Key West afin de l’étudier de plus près, et ils m’ont confirmé que le bateau présentait un potentiel intéressant. Nous nous sommes dit qu’il valait mieux intégrer la classe alors qu’elle était en train de se former, et apprendre en même temps que les autres équipes. Nous sommes très contents de l’avoir fait car cela nous a permis de découvrir un nouveau bateau à foil, qui est relativement serein : ce n’est pas un bateau qui nous a fait peur jusqu’à présent. Certes, il va très vite, mais sa conception est saine. Nous avons déjà eu beaucoup de plaisir car c’est un monde complètement nouveau qui s’ouvre à nous avec cette gestion de l’altitude, qui donne une nouvelle dimension à l’exercice. Un bon régatier de multicoque va très rapidement pouvoir naviguer en GC32 et foiler, mais par contre pour être rapide sur les foils, il y a quand même une phase d’apprentissage à mener à bien.

Ernesto Bertarelli

© Sander van der Borch

Oman Sail rejoint également le circuit où vous vous mesurerez aux GC32 de votre sœur Dona et de Flavio Marazzi, quel serait le nombre idéal d’équipages?

D’après moi, cela va être extrêmement intéressant à partir de huit bateaux déjà. Il faudra sans doute revoir certaines règles de course, car je ne suis pas sûr qu’avec des bateaux qui font 30 nœuds et plus (Alinghi détient le record de la classe avec 39,21 nœuds ndlr), on puisse les multiplier sur le plan d’eau. Les croisements au portant vont vraiment très, très vite…

Ernesto Bertarelli

© Loris von Siebenthal

Alinghi s’est entraîné l’hiver passé en montagne avec les jeunes de Tilt, qui préparent la Youth America’s Cup, et qui se sont imposés sur les deux premiers Grand Prix de D35. Que leur manquent-ils encore ?

Rien du tout, à mon avis ! Avec la démonstration qu’ils ont effectuée ces deux derniers weekends, en étant pratiquement à chaque fois soit premiers, soit deuxièmes, il ne leur manque rien du tout. Ils arrivent à maturité. Ce sont des garçons qui s’entraînent toute l’année, ils ont fait beaucoup de sacrifices depuis la Youth America’s Cup il y a trois ans, et ça paye. Je suis très content pour eux car ils ont mis les heures, ils sont sortis dans des conditions difficiles en hiver, ils s’entraînent tous les jours, ils continuent à exercer leur passion également sur d’autres supports, sur d’autres plans d’eau, et ils ont un niveau exceptionnel. Aujourd’hui (le 24 mai lors de l’Open de Versoix, ndlr) par exemple, je ne les ai pas vus commettre une seule erreur. Par rapport à la 4e place qu’ils avaient décrochée à la première Youth America’s Cup et qui était déjà très honorable, leur niveau de navigation aujourd’hui est incomparable. Leurs performances sont à la hauteur des espoirs qu’ils nourrissent pour la prochaine édition.

Que pensez-vous du retrait de Luna Rossa de l’America’s Cup ?

Luna Rossa était un vrai challenger, qui avait les moyens d’aller jusqu’au bout, et qui était indépendant d’Oracle. Aujourd’hui il n’y a plus beaucoup de challengers qui sont indépendants d’Oracle. Le fait que le Defender puisse changer les règles de façon inattendue ne rend pas l’exercice facile pour ceux qui restent…

D’une manière plus générale, quel est votre sentiment sur cette 35e AC ?

Je pense que cela va être très spectaculaire, car les bateaux qui volent sont par nature spectaculaires, mais est-ce que le spectacle suffit à l’America’s Cup et ne veut-on pas une vraie concurrence ? Je ne suis pas certain que l’on aura une équipe aussi forte que Team New Zealand ne l’était la dernière fois. L’effet de surprise n’est plus là. A l’époque de la 34e, les bateaux n’avaient pas été pensés pour voler et les Kiwis avaient alors pris une décision très audacieuse en pensant qu’ils pourraient le faire et ils sont arrivés très forts dans la compétition. Sans l’effet de surprise, et avec l’incertitude relative au règlement qui sera en vigueur le jour J, ce sera difficile de voir un challenger solide. Pour conserver la Coupe, le Defender doit diviser les challengers, et c’est exactement ce qu’ils ont réussi à faire : en changeant la taille du bateau et en éliminant les avantages que Luna Rossa avait sur les autres teams du fait de leurs investissements importants dans le design d’un bateau de 60 pieds, et en affaiblissant Team New Zealand qui comptait sur une régate à Auckland pour continuer à se financer. Ils ont donc affaibli les challengers, et les ont divisés. C’est malheureux, cela démontre un manque d’expérience du fonctionnement de la Coupe de la part de ceux qui ont voté dans l’intérêt du Defender ; la règle d’or pour un succès dans l’America’s Cup étant que les challengers se mettent d’accord entre eux avant de se confronter au Defender.

Comment voyez-vous l’engagement très ambitieux de Dona et de Yann dans leur écurie Spindrift?

Le défi de tour du monde de Dona est très audacieux. C’est toujours intéressant d’essayer de battre des records, même si ce n’est pas ma tasse de thé. Elle a déjà traversé l’Atlantique et battu le record de la Route de la Découverte, ce n’est pas impensable d’effectuer ce tour du monde en équipage, et je lui tire mon chapeau. Je pense cependant qu’il faut qu’ils se dépêchent de le faire avec le bateau qu’ils ont, car très bientôt on foilera autour du monde…

 

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