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Lucien Cujean : skipper de Team Tilt

par Brice Lechevalier
Comment s’est monté le Team Tilt ?

Tilt est le nom que portent les bateaux d’Alex Schneiter* avec qui nous avons pu concrétiser un projet combinant le Vulcain Trophy et la Youth America’s Cup**. Comme notre coach actuel, Arnaud Psarofaghis, naviguait depuis deux ans à la fois sur les D35 et les AC45, il connaissait bien les deux univers et nous pensions pouvoir tenter de nous positionner. Pour autant, il fallait trouver des sponsors et comme les règles de la « Youth » sont longtemps restées floues, ce n’était pas évident de choisir un équipage ni de convaincre des partenaires. La rencontre avec Alex Schneiter en octobre s’est avérée déterminante : il nous a apporté les sponsors et la structure, son expérience de la compétition et du management. Ensemble, nous avons inscrit la Suisse à la Youth America’s Cup et composé un équipage de jeunes de 19 à 24 ans sur des critères bien précis. Plus que leur palmarès en multicoque, le sens du sacrifice et l’expérience de la souffrance, notamment vécus en dériveur, ont guidé notre sélection, ainsi que leur gabarit physique (au moins 70kg).

Depuis quand vous entraînez-vous ?

Depuis novembre 2012. En constatant les conditions de vent durablement favorables sur le Léman nous avons tout de suite acquis le D35 Foncia pour le mettre à l’eau et débuter les entraînements. Comme nous sommes pour la plupart étudiants, nous ne pouvions naviguer que le week-end, ce qui fut le cas chaque week-end, du 17 novembre au 10 février, en plus de quelques jours en semaine, soit 40 tout l’hiver. Parallèlement, nous menions notre préparation physique avec les spécialistes de PPC. A partir de mi-janvier, ceux que nous appelions le Team Senior (plus de 24 ans !) ont mis à l’eau Nickel afin de nous mettre en configuration réelle de compétition. Les régates au contact et la pression que nous a mise cette équipe plus expérimentée nous ont permis de progresser plus vite et de nous souder efficacement.

C’est la première fois qu’un D35 navigue tout l’hiver, le froid change-t-il son comportement ?

Avant tout, il faut prévoir un peu de temps et d’eau chaude pour quitter l’amarrage et le port. Il s’est parfois mis à neiger pendant les entraînements, ce qui a alourdi le bateau. Ensuite, il faut enchaîner les manœuvres plus souvent à cause des embruns gelants car cela peut devenir dangereux, par exemple si l’écoute est gelée sur le winch au moment de l’abattée ! Ces conditions ont aussi des répercussions sur la cohésion d’équipe et le comportement de chacun : sacrifier ses week-ends en famille ou avec sa copine pour venir greloter sur le lac en dit long sur la motivation des membres du Team Tilt. Leur engagement total m’a fait autant plaisir que leur progression spectaculaire.

Comment avez-vous abordé votre qualification à San Francisco en février ?

Nous étions tellement concentrés sur notre objectif que tout nous a paru aller très vite. Arrivés le 14, nous avons pu observer le dernier jour des équipages venus se qualifier la première semaine. A part les Kiwis de Full Metal Jacket clairement au-dessus du lot, le niveau des équipages nous a paru très homogène et à notre portée, même celui des Australiens avec pourtant le champion du monde de Moth. Très schématiques, les régates montraient peu d’action : celui qui gagnait le départ remportait la manche. Du coup, cela nous a mis en confiance et, surtout, nos coaches Arnaud Psaros et Laurent Voiron nous avaient élaboré un programme très dense avec beaucoup de rythme. Alors que d’autres nations tiraient de longs bords pendant leur session d’entraînement de 90mn, nous effectuions 30 virements et 30 jibes entrecoupés de débriefings. La méthode s’est révélée tout de suite très efficace.

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De gauche à droite, Lionel Vaucher, Thomas Mermod, Jocelyn Keller, Jérémy Bachelin, Jonas Schagen et Lucien Cujean. © Loris von Siebenthal

Que retenir de cette phase ?

Tout d’abord, nous sommes parvenus à nous qualifier, et même à remporter la régate. Les critères de sélection reposaient à 60% sur le comportement à bord (maîtrise, méthodologie), 20% sur le physique (nous étions parmi les trois meilleurs) et 20% sur la structure du projet (philosophie, programme 2013). L’AC45 est un bateau très sain, très léger, deux fois plus puissant et rapide qu’un D35. Cela nous a joué des tours en compétition car les jurys à bord ont levé quatre fois leur drapeau jaune, jugeant que nous prenions des risques. Il faut que nous contrôlions mieux cet aspect. Notre mental était excellent, car même après une pénalité qui nous reléguait lors d’une manche, nous sortions vainqueurs de la suivante. Nous avons prouvé notre valeur dans les départs et en reaching, ainsi qu’aux bouées à l’abattée, même en face du 2e équipage néozélandais dont le skipper très fort en match race est ancien champion du monde d’Optimist. Cette expérience nous a donc confortés dans les choix à effectuer pour les réglages, la cohésion du groupe, le physique, la maîtrise de la trajectoire. Nous avons depuis mars continué sur cette lancée : D35 et M2 sur le lac, Extreme 40 en mer.

*voir son interview dans le Skippers n°46 ou dans la rubrique Interview de www.skippers.tv
**voir article Youth America’s Cup page 82 de ce numéro.

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