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MIKE HORN, le voyage dans la peau

par Brice Lechevalier

Avant son départ pour l’Himalaya et le pôle Nord, l’explorateur de l’extrême a partagé avec Skippers Travel sa vision du voyage. Pas de confort sans effort.

Lorsque vous partez en expédition, qu’est-ce qui compte le plus pour vous ?
Découvrir l’inconnu. Réaliser quelque chose de complètement inédit. Chaque fois que je voyage, c’est pour explorer une région, c’est ce qui m’intéresse. Découvrir un nouvel endroit permet de m’enrichir de l’intérieur aussi. Je voyage avec un but précis, comme ce printemps au pôle Nord pour accumuler de l’expérience, de la connaissance, et aller plus loin dans mes voyages, afin de repousser mes limites physiquement et mentalement. Un voyage ne sert pas seulement à voir de ses yeux du nouveau, mais à ressentir du nouveau au niveau de l’intellect et des émotions, et cela n’est possible qu’en sortant de sa zone de confort, c’est ce qui rend le voyage intéressant et excitant.

Quels paysages vous ont le plus marqué ?
Les régions polaires sont pour moi les plus intéressantes, car le voyage intérieur est plus grand, cela apporte plus de sens. Voyager pour les vacances ou pour se rapprocher de la nature, ce sont deux philosophies complètement différentes. Tendre vers l’inaccessible me passionne dès la préparation du voyage, car il faut réfléchir et planifier comment découvrir l’inconnu et trouver du confort dans l’hostilité.

Quelles furent vos trois plus belles rencontres en expédition ?
Lorsque j’ai effectué le tour du monde sur le cercle arctique polaire en marchant à ski pendant près de deux ans, je suis tombé en pleine Sibérie par -60° sur une toute petite cabane de pêcheur. L’occupant des lieux m’a accueilli auprès de son feu et a partagé son saumon frais qu’il venait d’attraper. Trouver quelqu’un dans la glace avec de la chaleur était une rencontre complètement inattendue et extraordinaire. Une autre fois en Amazonie, en pleine expédition Latitude Zéro sur l’équateur, j’ai croisé des Indiens Ashaninkas qui m’ont invité dans leur hutte géante. J’étais le seul blanc et j’ai eu droit à une cérémonie rituelle pour me souhaiter bon voyage. Ils ont dansé autour du feu et partagé leur culture. Rencontrer des gens de manière fortuite dans des zones très reculées permet de rencontrer des gens vrais. Vers la fin de mon expédition Latitude Zéro durant laquelle j’ai parcouru 40 000 km, je me suis retrouvé au Congo face à un peloton d’exécution et ces gens voulaient me tuer. Un seul d’entre eux s’est élevé pour me défendre en convainquant les autres que je n’étais pas un rebelle, mais un explorateur. Cette rencontre n’a pas seulement sauvé ma vie, elle m’a également permis d’apprécier les bons côtés d’un être humain, avec celui qui voulait m’ôter la vie et l’autre qui voulait la sauver. Quand on voyage et qu’on ressent autant d’émotions extrêmes, ce sont des moments qui marquent à vie.

Quand vous retournez dans votre pays natal, l’Afrique du Sud, où vous rendez-vous ?
Je retourne surtout là où j’ai habité, retrouver mes racines autour du Cap… Voyager pour moi ne consiste pas seulement à tendre vers l’avant, mais aussi à voyager dans le passé. En revenant à l’âge adulte dans des endroits qu’on a visités jeune, on voit les choses différemment. Je n’étais pas retourné à la ferme de mon oncle où mon père nous emmenait pour voir des animaux et j’y ai ressenti plein de petites émotions remontant à mon enfance. Mais les pistes sont devenues des routes, elles nous emmènent dorénavant au-delà des montagnes, l’horizon s’est modifié et l’imaginaire est devenu réalité.

 

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Quels aspects de la Suisse préférez-vous ?
On est tellement gâté en Suisse ! Je suis arrivé à Château-d’Oex il y a 30 ans, c’est devenu ma maison. Autour des villes cela change beaucoup, mais les villages de montagne sont rapidement accessibles et ont gardé leur authenticité et leurs cabanes. En Suisse, on observe un respect pour la nature, on protège sans construire partout. La Suisse est un paradis pour les touristes, mais garde son charme et sa beauté, certains endroits restent immaculés depuis des centaines d’années.

Quelle est votre conception du luxe en voyage ?
La liberté ! Il faut travailler pour l’obtenir. Comme aussi construire au préalable la manière dont tu veux voyager. Le luxe c’est également faire quelque chose d’unique, réaliser ce que peu de gens parviennent à faire. Je peux me trouver sur la banquise par -60° et être le seul à observer une aurore boréale, c’est ce que j’appelle le luxe.

Ce magazine s’adresse à des voyageurs, quels conseils leur donneriez-vous pour découvrir la planète tout en la préservant ?
Je pense que chacun doit laisser les endroits aussi intacts qu’on les a trouvés. Pourquoi ne pas essayer d’avoir un impact positif, aider à conserver la nature et les peuples locaux, c’est une bonne manière de voyager de manière déontologique. Pour enrichir son voyage, il faut aussi éviter de rester entre concitoyens et plutôt rencontrer les habitants locaux, partager leur expérience sur le terrain, parler avec eux, les écouter. Souvent, les voyageurs débarquent avec des valises trop lourdes, pleines de leurs modes de vie et d’affaires inadaptées aux endroits où ils se trouvent. En s’adaptant et en achetant localement on est mieux accepté.

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Ce que vous avez toujours dans votre sac :
Le moins possible ! Et un esprit complètement ouvert, pour mieux s’adapter.

Votre livre de voyage préféré :
Mon enfance a baigné dans les livres d’explorations africaines de Stanley et de Scott dans les régions polaires. On voyageait beaucoup en famille, sur les traces de Vasco de Gama et de Magellan lors de leur passage de la corne africaine, et mon père me lisait les livres aux endroits même où ils avaient planté leur croix.

Votre restaurant favori en Suisse :
À la maison avec mes filles, car je suis très rarement chez moi en Suisse. Quand je rentre d’expédition, elles invitent mes amis, on boit une bière et un coup de rouge autour d’une viande grillée, il n’y a rien de mieux.

Ce que vous dites toujours à vos filles avant de partir :
Ce sont Annika et Jessica qui m’en disent le plus, car elles planifient mes expéditions comme le faisait leur mère avant son décès. Elles me font part de leurs recherches pour aller jusqu’au bout et me donnent cette liberté et leur soutien.

La personne qui vous a le plus inspiré :
Mon père, c’est lui qui m’a donné le virus du voyage. Il m’a acheté un vélo en sachant que j’aimais la liberté, je n’avais qu’une seule règle : être à la maison à 6 h le soir. Je décidais où je voulais aller et en rentrant il écoutait le récit de mes petits périples, cela m’a responsabilisé. Aujourd’hui, on dit trop souvent aux enfants « ne va pas là », on leur enlève la créativité au lieu de la stimuler.

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