« Si quelqu’un m’avait demandé, en 2004, lors de la mise à l’eau du premier Décision 35 (l’acronyme D35 étant proscrit, afin de ne pas fâcher Bertrand Cardis), combien de temps cette série allait vivre, j’aurais certainement répondu cinq ou six ans maximum.
Je fais en effet partie des mauvaises langues qui croyaient que, malgré le bien fondé du projet, l’ego et la course à l’armement auraient vite fait de reprendre le dessus sur l’exigence de la monotypie.
Aujourd’hui, je peux seulement faire le constat que le temps m’a donné tort, et c’est tant mieux. Les armateurs n’ont pas cédé à la tentation de la facilité, en faisant construire un bateau plus moderne, plus léger et plus rapide. La plupart ont travaillé encore et encore, en recourant souvent à des compétences externes, pour tenter d’améliorer sa performance, et trouver sa place au sein de la flotte. Ce constat est d’autant plus réjouissant que l’entraînement n’a jamais réellement fait partie de la culture locale. L’ancienne génération a souvent plus compté sur le talent, l’expérience et la connaissance du plan d’eau, que sur l’engagement et le travail. Depuis, ceux qui ne se sont pas adaptés se sont retirés, pour laisser la place aux méthodiques et aux besogneux. Les temps changent comme disait l’autre !
Aujourd’hui, en fêtant leur dixième saison, les D35 (désolé Bertrand !) se voient confrontés à un défi de taille : celui de devoir réinventer leur destin. La victoire du M1 Zenith Fresh au Bol d’Or Mirabaud 2013 a rappelé aux propriétaires que le concept n’était pas éternel, et que les seigneurs du Léman ne pouvaient pas conserver leur statut sans être bousculés. Même si les meilleurs navigateurs du monde se sont laissés séduire par ces machines le temps d’une régate, d’une saison, et parfois plus, une nouvelle recette va devoir émerger pour que l’histoire puisse continuer avec autant de panache. Je trépigne déjà de connaître la suite de ce feuilleton et espère que le coffret de la 11e saison contiendra quelques nouveautés indispensables au succès et à la longévité de cette série qui continue d’interpeler bien au-delà des frontières du Léman. »