Le chantier danois reconnu pour ses unités rapides pêchait ces dernières années par un conformisme marqué avec des aménagements sombres et des plans de pont pas toujours optimisés pour une navigation sportive en équipage. La gamme XP, inaugurée par le 44 – qui précède la présentation en décembre d’un 38 et d’un 50 pieds – veut relancer la marque dans la catégorie très sélecte des courses-coursière. Si l’offre est alléchante, il n’y a pas meilleur juge qu’un propriétaire. À l’heure de notre débriefing, Jacques Bureau revenait d’une croisière aux Baléares et se préparait pour le Tour de Corse en équipage.

© Damien Bidaine
À bord, bilan mitigé

Est-il un bon croiseur ? Oui, à quelques points de détails facilement améliorables. « Le bilan est positif, mais grevé d’un souci énergétique : la taille de l’alternateur de batterie. Le défaut est plus imputable au motoriste (Yanmar) qu’au chantier, mais l’alternateur de 80 ampères installé de pair avec le moteur est insuffisant. » Avec un déssalinisateur, l’option double réfrigérateur et une électronique de pointe B&G, l’énergie a fait défaut. « Le problème est aggravé par des pertes de tension importantes au niveau du câblage. Cela fait partie des travaux immédiats : installation d’un alternateur de 120 ampères – comme celui que j’avais de série sur le moteur Volvo du X41 – et révision du câblage électrique. » Côté aménagement, le XP 44 réserve peu de surprises, hormis le design contemporain du mobilier et l’utilisation de bois clair qui rajeunit et éclaircit l’ambiance. L’agencement reste très classique avec comme seule originalité le coin navigateur modulable : dos ou face à la route avec, dans cette seconde configuration, la possibilité d’échanger en tête-à-tête avec un équipier sur le cap à suivre. Un dernier défaut sur le pont cette fois-ci : « La table de cockpit amovible est trop basse de 7 cm pour s’y installer confortablement. »

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Un comportement marin bluffant.
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Pour la navigation en mode croisière, le bilan de Jacques est quant à lui très positif. « Malgré l’équipage réduit, nous n’avons rencontré aucune difficulté pour la manœuvre : écoutes, ancres, drisses, tout passe bien. » Il est vrai que le plan de pont dégagé permet au barreur d’avoir un œil sur tout, confortablement installé au vent ou sous le vent, assis sur l’hiloire ou debout calé sur une plate-forme amovible.

Sous voile, l’étonnement est complet avec un voilier très raide, sécurisant. « Nous avons gardé toute la toile, même avec 18 nœuds de vent. » Il faut cependant préciser qu’à bord la configuration est exceptionnelle : voile North 3DL, mât, bôme, bout-dehors et tangon en carbone, sans compter l’innovation majeure du chantier, à savoir un berceau structurel en carbone associé à un bulbe de 2,5 tonnes plongé à 2,60 m sous la flottaison de sorte que « le premier ris a été pris avec 20 nœuds de vent. Une manœuvre simple, malgré l’absence de ris automatique, facilitée par un pied de mât très bien ordonné, bien pensé…  Dans la brise, j’ai été satisfait de ses performances. C’est bien simple, il se comporte au près comme un Swan 45 avec une stabilité de route remarquable. Au portant, en revanche, il assure bien mieux que le Swan qui va naturellement piquer du nez. Le XP 44 est plus planant. On a là un bon équilibre. »

Un compétiteur à la hauteur ?
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Un bilan satisfaisant, mais serait-il suffisant en régate ? Dans le petit temps, au près, il décolle très rapidement et se cale vite à la vitesse du vent réel, dans les mêmes conditions, au portant, il est un peu plus long à la détente. « Je suis quand même agréablement surpris, je sors de deux voiliers particuliers. Le X35, plutôt volage, et le X41 typé médium Light. Avec le XP 44, on a un gain de performance évident. Très raide, il nécessite de travailler gîté au près, entre 8 à 20° et très à plat au portant, 2° de gîte max. C’est là où un équipage aura du poids en régate : il faudra être très présent à la gîte ou à la contre-gîte pour avoir alors un voilier très évolutif par petit temps comme par gros temps ».

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En attendant, Jacques a des travaux classiques à effectuer : alléger le gréement courant, affiner le réglage du gréement dormant, placer des repères sur le pataras électrohydraulique, débarquer le radar… « Je compte aussi modifier le chariot de grand-voile dont le réglage passe par une patte métallique que je vais remplacer par une petite poulie : le réglage fin sera plus simple, plus précis. » Il ne lui restera alors plus qu’à débarquer les voiles de croisière pour mettre à poste une garde-robe taillée pour la course : GV, médium et lourd, en 3Di, un foc léger en 3DL, un ORC en carbone et six spinnakers.

Un vent de jeunesse sur la gamme
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Le bilan est donc très satisfaisant, confirmant la justesse des choix du bureau d’études danois et la qualité de construction. Quant au regard des autres ? « Je fais des envieux, surtout chez les propriétaires d’X de grande taille. Le XP 44 marque une révolution nette et très visible. L’arrière ouvert et le design intérieur donnent un coup de vieux magistral aux autres modèles du chantier. »