Une autoroute qui traverse le désert puis qui longe le littoral. Des quartiers résidentiels, des échoppes, des centres commerciaux. Une usine de céramique, moteur économique d’une région privée, contrairement aux émirats mitoyens, de la manne pétrolière. Puis l’entrée dans un complexe que l’on sait, au premier regard, luxueux. L’Al Hamra Village, un « mall » à l’américaine, un golf club, un hôtel typé forteresse orientale. Et une île. Artifi cielle, comme le veut la tendance au pays où tout est possible, où l’épanouissement passe immanquablement par des gains sur la mer. Une île de 11 000 m2, reliée au continent par un pont. Une île promue centre névralgique de la 33e Coupe de l’America. Pour l’heure, le monceau sablonneux installé au coeur-même du lagon de Ras al-Khaimah est encore bien chauve. Quatre tentes blanches y sont dressées, dont trois forment la nouvelle base d’Alinghi – la quatrième est la cantine –, qui semble à des années lumières de l’opulence high-tech du repaire valencien. La première, proche de l’eau, est destinée à recevoir le catamaran, qui trône néanmoins souvent à ses côtés, coques dans l’eau et mât fi èrement dressé. Les mâts, justement, sont rangés et entretenus dans la deuxième tente, alors que la troisième fait offi ce de voilerie. Tel est le décor dans lequel Alinghi se prépare à une deuxième défense de l’Aiguière d’argent.
A quelques dizaines de mètres de là, des tractopelles s’activent, se croisent, griffent le sol. A cet endroit aurait pris forme la base de BMW Oracle. « La base du Challenger devait être mise sur pied en deux, voire trois semaines », déplore le Docteur Khater Massaad, directeur des opérations de RAK Investment Authority, comprenez le responsable du dossier « America’s Cup » désigné par le Cheik Saud Bin Saqr Al Qasimi. « Sinon, à part quelques détails, tout est prêt. » Une destination branchée de la planète vélique? Les travaux n’ont pas traîné en longueur et s’inscrivent dans un plan de développement global chiffré, offi ciellement, à hauteur de 120 millions de dollars. Un montant totalement à la charge de l’émirat, selon l’accord passé avec Alinghi. Khater Massaad explique : « C’est un événement très important pour Ras al-Khaimah et nous espérons qu’il dope le tourisme et les investissements étrangers. » Frère de l’émir régnant, et donc membre du gouvernement,le Cheik Omar Bin Saqr Al Qasimi confi rme. « Nous avons dépensé beaucoup d’argent, mais toutes les infrastructures sont pensées dans un plan de développement de la région, comme en témoigne la construction de l’île artifi cielle. »
Et de vouloir faire de RAK et ses 300 000 habitants une nouvelle destination branchée de la planète vélique, laquelle connaissait jusque là surtout Dubaï. Un peu à l’image des efforts consentis ces dernières années par Oman avec son équipe Oman Sail sous la houlette de Loïck Peyron. « La Coupe de l’America devait être le premier événement de voile d’une longue série », espèrait le Docteur Massaad. Lequel rassure sur la capacité de la ville à accueillir une compétition majeure. « Nous disposons ici et maintenant de 3 000 chambres. Un chiffre qui va augmenter. Par ailleurs, rappelons que l’on trouve plus de 100 000 lits à moins d’une heure de RAK… »

Des conditions proches de la perfection
Avec le soutien presque inconditionnel et total d’un gouvernement aussi solvable, Alinghi n’a pas tardé à trouver ses marques au soleil du Golfe persique. D’ailleurs, le Defender y jouit de conditions proches de la perfection avec, notamment, des logements pour toute l’équipe dans un complexe d’appartements et de villas, situé autour d’un hôtel 7 étoiles et à une petite dizaine de minutes de la base. La vie à RAK s’organise ainsi tranquillement et dans la bonne humeur. Grant Simmer, un des premiers à être arrivé sur place souligne : « Nous avons installé les bureaux du design team ici, ce qui nous permet d’être plus efficaces. Il y a encore beaucoup de travail d’ici février, avec toutes les possibilités et les options de développement qu’offre le catamaran. »

Travail est également le maître-mot de l’équipe navigante qui ne peut tout simplement pas spéculer sur l’issue du confl it avec BMW Oracle. Brad Butterworth en est conscient : « Nous allons certainement régater six jours sur sept avec tout le monde. Il faut trouver la bonne organisation sur le bateau et la bonne configuration technique. Bref, du boulot et de la sueur, avec comme objectif de passer le plus de temps possible sur l’eau. » Des heures d’entraînement immédiatement suivies d’un debriefing pointu. « Nous avons toutes les informations en temps réel, explique Alain Gautier. En ce sens, notre technologie ressemble beaucoup à celle de la F1. C’est extrêmement enrichissant, d’autant que toutes nos discussions se passent dans la bonne humeur. La hiérarchie n’est pas pesante, les portes sont toujours ouvertes. » Une ambiance qui contraste avec la lourdeur du climat qui règne à la Cour de New York, où se joue l’avenir de la Cup. C’est bien vrai, tout paraît toujours plus facile et léger au soleil.