Au Texas, la navigatrice vaudoise a marqué les esprits en décrochant le titre de vice-championne du monde. La voilà lancée vers Paris 2024 et les Jeux. Retour sur une performance majuscule.

Texte : Grégoire Surdez

Loin des yeux, tout près du bonheur. Maud Jayet a tiré ses meilleurs bords au Texas pour décrocher le plus beau résultat de sa carrière. Vice-championne du monde de Laser ILCA 6 (anciennement Laser radial), la catégorie reine de la voile olympique. Un résultat majuscule qui pose les bases d’un avenir radieux. Un résultat qu’elle est allée chercher avec une approche très différente. «J’ai réussi à évacuer la pression en restant totalement hermétique aux classements, raconte-t-elle. Je connaissais bien sûr mes résultats mais je n’avais aucune idée de mon positionnement au classement général. Cette prise de tête des petits calculs m’a trop souvent joué des tours par le passé en me détournant de l’essentiel.»

MAUD JAYET, À GAUCHE, PARTAGE LES HONNEURS AVEC LA GAGNANTE, LA DANOISE ANNE-MARIE RINDOM, ET LA BELGE EMMA PLASSCHAERT (3e).

L’esprit serein, jusqu’au bout du dernier bord, loin des chiffres, tout près de la première marche du podium. Et une satisfaction pleine d’avoir su appliquer son plan de jeu. «J’ai vraiment pris les manches les unes après les autres en me concentrant sur ce que je sais bien faire, poursuit-elle. La seule idée que j’avais en tête, c’était de bien naviguer. Au vu du classement final, et des très faibles écarts avec les filles derrière, je pense que c’était vraiment une très bonne chose de ne pas savoir quels résultats je devais faire pour assurer pour un podium.»

Au Texas, toutes les meilleures navigatrices de la classe étaient présentes. «Le podium de Tokyo dans son ensemble était là, précise Maud Jayet. Une médaille mondiale a toujours de la valeur, mais là, on peut vraiment dire qu’elle est significative.» Avec 67 points, la Lausannoise se pose juste derrière l’intouchable Danoise Anne-Marie Rindom (47 points), championne olympique en titre, et laisse derrière elle la Belge Emma Plasschaert (69 pts). Mais surtout des championnes comme Josefin Olsson (SUE, 4e, 87 pts), en argent à Tokyo, et la légende Marit Bouwmeester, la Néerlandaise volante, double championne du monde et triple médaillée (or, argent, bronze) aux Jeux olympiques, 9e à Galveston (97 pts).

MAUD JAYET S’EST MOUILLÉE POUR ALLER CHERCHER UNE PREMIÈRE MÉDAILLE MONDIALE EN LASER POUR LA SUISSE

À force d’enchaîner les performances dans le Top 10, elle avait bien une petite idée derrière la tête. Mais sans jamais avoir la certitude absolue que l’exploit était à portée de barre, elle n’a pas flanché. Douze manches ont été courues. Dix ont été prises en compte pour le classement final. Neuf fois, la Vaudoise s’est immiscée dans les dix premières. «La régularité a été la clé, témoigne-telle. J’ai été solide malgré des départs parfois trop prudents. À aucun moment, sur aucune manche, je n’ai baissé les bras, réussissant toujours à gagner des places.»

À Galveston, Maud Jayet s’est donc mise dans une bulle. Une coach mentale de Swiss Sailing, présente tout au long de la compétition, l’a parfaitement guidée jusqu’à la dernière régate du dernier jour, le 16 octobre, où elle a claqué une troisième place qui lui a permis de sauter sur cette médaille d’argent qui vaut de l’or pour la voile suisse. «C’est un résultat historique et je suis super fière, dit-elle. C’est aussi une belle récompense pour toutes les heures d’entraînement ces dernières années. Et c’est surtout une immense source de motivation pour les prochains Jeux de Paris. Je sais désormais que je pourrais sérieusement me battre pour une médaille dans deux ans.»

La sociétaire de la SNG veut très vite effacer de sa mémoire l’expérience mitigée des Jeux de Tokyo. Un plan d’eau qui ne lui a jamais souri. Un plan sanitaire qui avait gâché l’ambiance et la fête. Des Jeux qui n’en étaient pas vraiment. «Ce sera tout autre chose à Marseille, se réjouit-elle. C’est un plan d’eau qui me correspond très bien et que nous connaissons tous. Grâce à la Fédération, nous avons une antenne fixe à la Pointe-Rouge qui nous permet de nous entraîner dans les meilleures conditions. J’ai déjà prouvé cette année, avec une deuxième place lors d’une compétition relevée, que j’étais à l’aise sur le futur site des Jeux.»

MAUD JAYET A NAVIGUÉ L’ESPRIT SEREIN, JUSQU’AU BOUT DU DERNIER BORD

Et si tout se passait dans la tête de Maud Jayet, qui semble avoir trouvé un parfait équilibre? Ses études de droit terminées, elle peut se consacrer sans aucune arrière pensée à son sport de prédilection. Jusqu’aux Jeux, elle compte bien passer des milliers d’heures sur l’eau. Mais pas uniquement seule, sur son petit dériveur. «Mon expérience en SailGP, cette année, a sans doute participé à ma progression, dit-elle. L’approche, collective, est totalement différente. Je pense que la diversité est un remède à la lassitude. Si je ne fais que du Laser, je peux peut-être perdre trop rapidement ma motivation et ma préparation pourrait en souffrir. J’espère donc pouvoir continuer de naviguer avec Switzerland SailGP la saison prochaine.»

Et quid de la Coupe de l’America puisqu’une équipe féminine sera constituée par Alinghi Red Bull Racing? Les Jeux ont lieu juste avant la Coupe de l’America en 2024. Difficile dans ces conditions d’imaginer pouvoir tout concilier. «L’AC40 qui sera utilisé pour la Coupe féminine et celle des jeunes est un bateau qui demandera beaucoup d’engagement et d’heures ’entraînement. Je ne me vois pas assumer tout ça en amont des Jeux pour lesquels j’ai maintenant de réelles possibilités de me battre pour une médaille.»
Après être devenue la première navigatrice suisse (hommes et femmes confondus) à décrocher une médaille en Laser depuis le lancement de la série en 1970, Maud Jayet peut clairement nourrir de solides ambitions olympiques.Près des yeux, près du bonheur…