Quarante-sept équipages au départ ont assuré le spectacle sur la ligne au large de Morges. Le Dragon, voilier très technique et complexe, ne doit jamais être arrêté. Pour s’exprimer totalement, il lui faut de longs bords et du vent frais. © Jean-Guy Python

« Leur niveau, c’est vraiment du très haut de gamme. Ça donne l’impression d’avoir beaucoup de choses à apprendre encore. Ces Russes-là sont d’anciens champions olympiques, en Star, en Soling, le barreur est champion du monde en Laser et ça se voit très vite à sa manière de barrer d’une finesse absolument époustouflante. » Jean-Bernard Luther arbore un sourire éclatant. Il est complètement satisfait de cette semaine de régates : il a eu beaucoup de chance au début de ce mois de juin. Mercredi 1er juin, alors que les participants commençaient à mettre leurs embarcations à l’eau, il a été désigné pour compléter l’équipage russe de Strange Little Girl, auquel il manquait un équipier. Pour le marin morgien, membre du comité d’organisation de ces régates internationales, l’occasion était trop belle : « C’est un voilier très technique. Il faut être constamment sur les réglages, à l’affût de la moindre variation de vent, de vagues, mais les super pros qu’il y a sur ces Dragon ne se laissent pas avoir par d’éventuels imprévus. Ils analysent parfaitement le plan d’eau et, sans connaître le Léman, ils savent repérer les zones de pression. »

Billy Boy à la lutte au passage de la bouée. L’équipage allemand remporte l’épreuve. © Jean-Guy Python

Lorsqu’on signale à cet ingénieur de l’EPFL qu’il est en quelque sorte le meilleur navigateur suisse en Dragon ce week-end, il acquiesce avec modestie : « C’est parce que j’étais avec le meilleur équipage russe existant. Là, j’ai navigué avec de grands professionnels. Sans aucune prétention, je suis monté à bord de ce bateau et j’ai eu de la chance. Il leur manquait un équipier, j’ai eu l’opportunité d’être là, ça m’a permis de naviguer « en Russie », de leur donner les yeux du lac. » Au final, l’équipage russo-helvétique, avec Yury Bozhedomov et Aleksey Bushuer, termine l’épreuve avec une magnifique deuxième place.

 

Pourquoi à Morges ?

Mais diable ! Quel vent a donc amené les quarante-sept Dragon dans la baie de Morges en ce début du mois de juin ? Il y a une belle explication, dans laquelle se lance Yves Gaussen, le président du Club nautique morgien : « Il y a trois ans, nous étions aux régates de Cannes en Toucan et nous avons croisé pas mal de Dragon. Par la suite, lors du Championnat d’Europe de Dragon à Saint-Tropez, on a loué deux bateaux. A cette occasion, l’idée à germé d’organiser quelque chose avec des Dragon, ici à Morges. En 2010, le président de la classe nous a invité sur le lac de Thoune et tout s’est concrétisé à ce moment-là. Ensuite, les choses se sont enchaînées très vite. En préparant l’organisation de ce championnat, au début, il y avait une trentaine de concurrents inscrits. Très rapidement, c’est monté à quarante-huit teams représentant huit nations. Au final, quarante-sept équipages de sept nations étaient présents sur la ligne de départ. » Principalement des Allemands et des Russes, ainsi qu’une bonne quinzaine de bateaux suisses. Vincent Zanlonghi, du Comité d’organisation, se lance dans une tentative d’explication : « Enormément de Nordiques, d’Allemands et de Suisses alémaniques pratiquent le Dragon. Dans cette partie du pays, on aime beaucoup les séries de tradition. Chez nous, en Suisse romande, à l’exception du Surprise, l’esprit n’est pas vraiment tourné vers les séries. Les gens veulent des bateaux plus fun, plus rapides. Le Dragon est un voilier très technique et très complexe. Relativement peu toilé pour son poids, il ne faut jamais l’arrêter. Il lui faut des bords longs, du vent frais. Pour cela, le barreur doit être extrêmement attentif et concentré et ses équipiers disposent de plus de 32 taquets, soit plus de 32 points à contrôler et à régler en permanence. Il faut bien reconnaître que, chez nous, le Dragon ne remporte pas un immense succès. La taille du Léman réclame des bateaux qui vont vite. Ici, les jeunes navigateurs veulent que ça pulse! »

Les Saint-gallois de Tachiston (SUI 297) se classent au 14e rang. Meilleurs Suisses, ils représentent l’élite helvétique de cette série mythique. © Jean-Guy Python
« Ce ne sont pas des airs de Dragon »

Après six manches courues, c’est l’équipage allemand de Billy Boy, composé de Vincent Hoesch, Peter Liebner et Thomas Mayer, qui remporte l’épreuve. Le premier équipage suisse se place en quatorzième position. Il s’agit des Saint-Gallois de Tachiston, avec à bord Norbert Stadler, Urs Burger et Urs Huber. Si jeudi et vendredi, les régates ont été lancées sous un régime de bise bien soutenu – entre 25 nœuds le premier jour et 10 à 15 nœuds le deuxième – ce ne fut pas le cas pour le week-end proprement dit. Par manque de thermiques et sous un régime de calme plat, les participants ont mis un terme aux épreuves le dimanche matin à 11 heures déjà. Comme le signalait alors Vincent Zanlonghi : « Ce ne sont pas des airs de Dragon. »

Ce bateau de qualité, à la carène fine et au pont dégagé, est taillé pour une utilisation sportive à trois équipiers. Ici les Allemands de Muffl, avec Hans-Dieter Lang, Heiko Wollmann et Jens Lichtblan. © Jean-Guy Python