Ils étaient plusieurs milliers de fans à attendre dans le port pittoresque de Galway, sur la côte irlandaise, pour accueillir les vainqueurs de la dernière étape de la Volvo Ocean Race. La nuit noire et la pluie torrentielle ne les ont pas empêchés de répondre présents. Leur seul objectif: voir ces hommes audacieux et leurs bateaux, leur rendre hommage et être de la fête.

Franck Cammas a été engagé par Luna Rossa en tant que coach pour l’America’s Cup. © Roman/Volvo Ocean Race

Chris Nicholson et ses hommes, sur Camper, se réjouissent de cet engouement. Neuf mois sont passés depuis qu’ils ont largué les amarres à Alicante aux côtés des cinq autres bateaux. Ils ont parcouru plus de 40’000 milles en neuf étapes autour du monde, toujours au taquet, chassant la moindre dépression et poussant les bolides dans leurs limites. A l’image de pratiquement tous les équipages, les Néo-Zélandais n’ont pas été épargnés par la casse et les blessures, mais tous les marins ont survécu à cette édition. « Nous pouvons nous estimer heureux », commente Ken Red, le skipper de Puma Ocean Racing, à juste titre.

© Todd/Volvo Ocean Race

Mais Nicholson et ses hommes ont encore eu une autre raison de jubiler en arrivant sains et saufs à destination. En remportant la dernière étape après tant de tentatives échouées, ils se sont assurés la deuxième place au classement général. Un succès dont peu de gens les croyaient encore capables. Après avoir essuyé tant de critiques, l’équipage n’a pas caché sa satisfaction. « Je pense que nous avons bien travaillé, estime Nicholson en répondant aux premières questions posées par les journalistes. Nous avons obtenu la deuxième place, mais pour nous, c’est comme une victoire. La victoire d’étape est arrivée à point nommé. » Il a également chanté les louanges de Galway, une ville hôte particulièrement petite pour un tel événement. Conquis par la liesse populaire qui n’a pas fléchi jusqu’au dernier In-Port-Race, il s’est exclamé : « C’est un endroit magnifique avec des gens fantastiques ». Knut Frostad, CEO de la Volvo Ocean Race, partage son enthousiasme : « Les Irlandais sont fous! Mais on les adore. » La ville peut donc caresser l’espoir d’être retenue une troisième fois comme stop-over lors de la prochaine édition.

© Yvan Zedda/Volvo Ocean Race
Victoire après un début raté

L’équipage de Camper n’était pas le seul à savourer les acclamations du public en folie. Mené par le Français Franck Cammas, le Groupama Sailing Team n’a certes terminé « que » deuxième de la dernière étape, mais il a remporté la victoire au général. « C’est un formidable succès. Depuis que, petit garçon, j’ai lu un livre sur cette régate, j’ai rêvé d’y participer un jour. Et dire qu’aujourd’hui, nous avons gagné… C’est génial », se réjouit le Breton d’adoption qui avait surtout fait parler de lui dans le monde franco-français des multis et en tant que chasseur de records. Comme à son habitude et en grand professionnel, il avait très tôt ficelé et lancé sa campagne répartie sur deux participations avec le soutien de son sponsor en ne laissant rien au hasard. Dans la première étape vers l’Afrique du Sud, il avait choisi une option très risquée le long de la côte africaine. Une erreur fatale qui lui a valu de perdre beaucoup de crédibilité auprès des observateurs. Mais Cammas et ses hommes en ont tiré les leçons, restant plus près des concurrents et s’améliorant de jour en jour. Même un démâtage en route vers Itajai, au Brésil, n’a pas pu stopper la course du Français qui a malgré tout fini troisième de l’étape, la casse chez les concurrents n’y étant certainement pas étrangère. Après leur triomphe « à la maison », à Lorient, la victoire au classement général leur était pratiquement assurée. C’est donc en grand vainqueur qu’ils ont franchi la ligne à Galway. « Nous avons un équipage très fort, ce qui nous a permis de nous améliorer constamment », a expliqué Cammas, questionné sur son exploit, avant d’ajouter : « Bien sûr que la victoire de cette régate fait plaisir, tout particulièrement en tant que Français. » Il faut savoir que de nombreux observateurs anglo-saxons ont douté depuis des années, sans jamais l’avouer ouvertement, que les spécialistes français des multicoques puissent tenir le choc en comparaison directe avec leurs héros de la course au large.

Chris Nicholson et ses hommes célèbrent leur victoire dans la dernière étape et leur 2e place finale en compagnie de plusieurs milliers de spectateurs dans le port de Galway. © Todd/Volvo Ocean Race
L’avenir en monotypie

A peine les marins étaient-ils rentrés au port que les regards étaient déjà tournés vers l’avenir. Malgré un bilan très positif, Knut Frostad qui a vu échouer tous ses efforts pour augmenter le nombre de participants, a annoncé à Lorient que l‘édition 2014/15 se disputera sur des bateaux one design de 65 pieds. La monotypie permettra de réduire les coûts d’une campagne de plus de 30% et garantira aux équipages de s’affronter à armes égales. L’avenir nous dira si le projet voit effectivement le jour. Si les navigateurs comprennent les raisons de cette volonté de changement, la plupart d’entre eux expriment aussi des regrets et font état d’un certain scepticisme. Quant à Franck Cammas, il n’a pas caché son opposition au projet : « Pour moi, la construction et le développement d’un bateau sont indissociables de la régate. Je trouve dommage que cet aspect technologie soit supprimé. » Reste à espérer que malgré cette réticence, Cammas ne changera pas de projet et s’alignera comme prévu à la prochaine édition de la Volvo Ocean Race. Et si les concurrents s’y affronteront à armes égales, ce sera l’occasion pour lui de faire mentir les dernières critiques à son encontre.

Avec une 5e place, Abu Dhabi mené par Ian Williams est resté en-dessous des attentes. © Dana/Abu Dhabi Ocean Racing/Volvo Ocean Race
Les succès de Camper et de Groupama sont le résultat d’une amélioration constante de leurs performances. © Todd/Volvo Ocean Race