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Retour vers le futur

© Loris von Siebenthal

Bertrand Cardis,
Fondateur du chantier Décision (au premier plan à gauche)

Si c’était à refaire ?

Avec les connaissances actuelles, le design des coques serait certes différent et nous nous passerions de l’étape des mâts déficients de la première année, mais avouez quand même qu’ils sont plutôt réussis, ces bateaux ! Les batailles homériques qu’ils se livrent répondent exactement au cahier des charges fournis à l’origine. S’il n’y avait pas le Bol d’Or, on enlèverait sans doute un mètre de leur mât pour être encore plus sûr. Nous avons toujours tenu à un coefficient de sûreté important. Ce critère a pesé dans la balance autant que la capacité du voilier à régater en one design, que sa facilité de virement et de manœuvre en général, sa fiabilité et sa solidité, et bien sûr son adaptabilité aux conditions lémaniques.

© Loris von Siebenthal
Si un groupe de propriétaires passaient une nouvelle commande aujourd’hui ?

En fait, s’il s’agit à nouveau d’une monotypie, on proposerait un bateau relativement semblable, sans doute avec plus de sécurité encore au niveau du gréement afin d’éviter de casser le mât quand il chavire. N’oublions pas qu’il mesure 20 mètres et le bateau 10,5 mètres. Nous opterions pour des étraves inversées, des coques plus modernes avec des volumes répartis différemment, mais en gardant sa manoeuvrabilité. Comme il faut rester conscient des caractéristiques de notre lac, j’éviterais les foils, qui freinent les performances dans les petits airs. Un bateau constitue toujours un compromis de plusieurs facteurs : les attentes du client, son budget, le plan d’eau ; il faut trouver le juste milieu.

Sébastien Schmid,
Architecte naval (au second plan à gauche)*

Si c’était à refaire ?

A vrai dire, dans le process, je ne changerais rien du tout, car cela s’est avéré remarquable, alors qu’avec 7 clients au lieu d’un comme c’est le cas d’habitude, on aurait pu craindre le pire. Mais tout a parfaitement fonctionné, même avec quelques compromis. Toutes ces personnes d’origines différentes, qui sont venues en outre avec leur design team, ont vraiment fait avancer ce projet de manière efficace. Nous avons participé à une véritable émulation, évitant la traditionnelle « angoisse du chameau » : le cheval de course dessiné par un comité. 10 ans après d’ailleurs, l’aventure humaine est toujours là.

© Loris von Siebenthal
Si un groupe de propriétaires passaient une nouvelle commande aujourd’hui ?

Evidemment, l’évolution technique nous a fait passer dans une autre dimension en 10 ans. En 2003, les trimarans de l’ORMA symbolisaient le must de la sophistication, alors qu’aujourd’hui les multicoques volent sur des foils et sont motorisés par des ailes rigides ! Mais le coût de cette technologie, les grues et les équipes au sol impliqués dans les AC45 ne sont pas compatibles avec les attentes de propriétaires locaux. De même, une structure plus légère que celle des D35 coûterait plus cher car on change de qualité de fibre. Il faudrait par exemple utiliser le nid d’abeille au lieu de la mousse. Produire à l’autre bout du monde peut permettre d’économiser dans un premier temps, mais dans un premier temps seulement. Une solution serait de partir de son prix actuel et d’utiliser la technologie maximale accessible avec ce budget. Beaucoup ont essayé de battre les D35, mais personne encore n’a trouvé la formule magique capable de les remplacer, surtout si l’on veut naviguer toute l’année et pas juste sur une ou deux grandes régates.

*voir aussi l’article sur le métier d’architecte naval en page 118

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