Au terme de six années de restauration, les Lab 1 et Lab 2 sont de nouveau flambant neufs. Naviguer à bord de ces bateaux d’exception, pourquoi s’en priver ? © Stéphane Dheygers

Si ces bateaux naviguent de nouveau, c’est grâce à Stéphane Dheygers. Il est difficile de le rater, Stéphane. Du haut de ses 2m08, cet ancien athlète de haut niveau (il a été basketteur au Limoges CSP, à la grande époque), a su faire preuve d’abnégation et de volontarisme pour mener à bien ce projet un peu fou : celui de créer, dans un premier temps, le Yacht Club de Pau*, en novembre dernier, dans le but de donner une continuité à six années de restauration des voiliers.

La construction de deux bateaux a permis de valider, en termes de performances, les modifications apportées au fur et à mesure des tests. © Gilles-Martin Raget

A peine mis à l’eau à Hendaye, déjà mâtés, les deux bateaux attirent l’œil des badauds, mais aussi des marins. Visez un peu : une carène des plus douces, une étrave élancée… Le cockpit est une simple baignoire, le pont est totalement dépouillé, sans même le moindre chandelier, la plus petite filière. Rajoutez-y un immense cure-dent en guise de mât, tenu par pas moins de cinq étages de barres de flèches, des bastaques à la pelle, c’est sûr, Lab1et Lab 2 ne laissent pas indifférents. Les questions fusent : quels sont ces bateaux ? Ils doivent être terribles au près !

 

Au portant sous spi, le réglage des bastaques ne supporte pas l’à peu près. © Gilles-Martin Raget
Du grand art !

Pour connaître leur histoire, il faut revenir près de 20 ans en arrière, et plus encore, et s’intéresser à la Cup. 1988 : exit les 12m JI à la suite d’un imbroglio judiciaire, la phase finale voit débarquer, à l’occasion de sa 27e édition, un immense monocoque de 36,57 m hors-tout, New Zealand KZ-1, avec au rappel pas moins de 40 équipiers ! Mais qui ne pourra rien faire contre le catamaran américain de 18 mètres Stars & Stripes USA-1, propulsé par… une aile rigide. Le temps était alors venu de créer une nouvelle jauge pour la Cup, ce seront les Class America qui feront leur première apparition en 1992. A l’issue de cette Coupe (l’épisode Ville de Paris), Marc Pajot se lance dans l’élaboration de ce projet qui donnera naissance à France 2 et France 3. Avec pour objectif un gain de vitesse de l’ordre de 2,5% par rapport au Ville de Paris. Le projet est ambitieux, et à l’époque, deux techniques de conception s’opposent. D’une part, le numérique qui n’en n’est déjà plus à ses balbutiements, et qui permet de valider les choix architecturaux. Mais la technique est encore jeune, et les (déjà) vieux briscards de la Coupe ne se laissent pas compter fleurette par les jeunes loups de l’informatique. Ils préfèrent la bonne vieille technique de l’expérimentation. Ainsi en sera-t-il des défis de Stars & Stripes, America 3, et du défi français. Près d’une trentaine de maquettes seront ainsi construites, dont certaines feront l’objet de mesures en bassins de carène ; avec, en point d’orgue, la construction de Lab 1 et Lab 2, de véritables petits Class America à l’échelle 1/2, chargés de valider les choix, mais aussi prévus pour s’entraîner, dans l’attente de la livraison des bateaux à l’échelle 1. Hormis l’architecte Philippe Briand, on trouve dans l’équipe un autre Philippe, Pallu de la Barrière, patron du CRAIN (Centre de recherche pour l’architecture et l’industrie nautique).

Quinze ans après, la remise à l’eau des bateaux signe pour eux le départ d’une seconde vie. © Stéphane Dheygers

Qui n’a pas rêvé de barrer un bateau d’exception ? Se prendre pour Russell Coutts ? Sous voiles, la barre des Lab est d’une douceur exquise. Attention cependant, la pratique d’un tel bateau demande un minimum de technicité. Une mauvaise gestion des bastaques (le mât ne possède pas de pataras) dans un empannage et l’espar ne fera pas de cadeaux… Sous grand-voile et solent, il paraît difficile de naviguer à moins de trois à bord. Et sous spi, deux équipiers de plus seront les bienvenus. Au près, ces bateaux sont extraordinaires. De belles voiles, une carène d’exception, des bastaques qui permettent de régler au poil mât et voiles, un bulbe de deux tonnes suspendu à deux mètres sous la flottaison… Au près, les adversaires ne seront pas légion : avec un peu plus de 60° entre deux bords, les virements s’enchaînent, sans arrêts, du grand art !

*Les objectifs du club sont d’offrir à ses membres (et au plus grand nombre) l’opportunité de naviguer à bord de ces voiliers d’exceptions. Le club disposera aussi dans l’avenir du F1, le premier Classe America de l’histoire. Il dort toujours dans la base des sous-marins de Bordeaux, mais on peut faire confiance à Stéphane Dheygers pour le voir lui aussi de nouveau naviguer.

La Class America Lab Series 2012

Le YCP a imaginé, à travers sa structure Esprit Cup Organisation, une compétition de match race ouverte à tous et baptisée Class America Lab Series. La première édition aura lieu en 2012. La ville hôte sera annoncée en début d’année prochaine, les inscriptions étant ouvertes dès octobre. Les compétitions se dérouleront à bord des deux bateaux, tirés au sort avant chaque match. Les régates se courront sur des parcours banane, à l’instar de la Coupe de l’America ; à la différence près que tout se fera à l’échelle… 1/2. Dans l’esprit de la Coupe, les vainqueurs de la première édition devront remettre leur titre en jeu, devenant ainsi defenders… A bord de chacun des bateaux, on pourrait retrouver un « vétéran » de la Coupe. A noter que les compétiteurs auront en charge de trouver des partenaires financiers, le marquage des bateaux étant refait lors de chacune des régates (changement des stickers sur les voiles). Le rêve pour se plonger dans l’ambiance de l’America’s Cup et vivre une expérience incomparable. Et pourquoi pas, plus tard, imaginer reprendre les AC 45 ? Attention, le nombre d’équipages risque d’être limité. Alors, prêts pour entrer dans la légende ?

Pour plus d’infos www.espritcup.org