Après la Rolex Fastnet et la Route de la Découverte, Dona Bertarelli accrochera-t-elle le record de l’Atlantique Nord à bord du maxi Spindrift 2 avec Yann Guichard et leur équipage ? © Eloi Stichelbaut

L’océan est vaste, les compétitions nombreuses. La présence suisse y sera assurée par deux navigatrices emblématiques : Dona Bertarelli et Justine Mettraux. La première, au côté de son compagnon Yann Guichard et à bord du trimaran Spindrift 2, ne vise pas moins que le record de la traversée de l’Atlantique nord. Le bateau sera en stand-by à New York du 15 juin au 15 août, à l’affût d’une fenêtre météo favorable. Objectif : battre le temps canon réussi en 2009 par Pascal Bidégorry, soit 3 jours, 15 heures, 25 minutes et 48 secondes. L’équipage de Spindrift 2 ne dédaignerait pas, au passage, de cueillir également le record de 908 milles (37,84 nœuds de moyenne) en 24 heures, également détenu par Bidégorry.

Justine Mettraux, quant à elle, a définitivement gagné cet hiver sa place à bord de SCA, un monocoque monotype de 65 pieds mené par un équipage 100% féminin qui prendra le départ d’une des courses les plus dures au monde : la Volvo Ocean Race. Après son exploit de l’automne 2013 sur la Mini Transat, la jeune Genevoise n’a pas chômé et récolte les fruits de son talent. Participer à la Volvo, au côté de Sam Davies, est la preuve, s’il en fallait une, qu’elle appartient désormais à la crème des marins suisses. La course autour du monde proprement dite démarrera le 11 octobre 2014 à Alicante pour s’achever en 2015 à Göteborg (en Suède) au terme des neuf étapes prévues. Distance totale : 38’739 milles. Un beau défi auquel Elodie Mettraux, la sœur de Justine, y est également associée : elle vient de passer l’hiver à Lanzarote, avec l’équipage de SCA et décroche, elle aussi, sa qualification (en mars) pour la Volvo (voir article p.104).

Justine Mettraux : et maintenant la Volvo ! © Stéphanie Gaspari
Pas de Suisses en IMOCA

En IMOCA, l’année sera particulièrement faste avec trois rendez-vous importants, mais vraisemblablement sans aucun Suisse au départ. Au menu : une nouvelle transat en double qui prendra son envol à New York le 1er juin pour rejoindre Barcelone, puis les traditionnelles Route du Rhum (St-Malo-Pointe-à-Pitre ; départ le 2 novembre 2014 pour les solitaires) et Barcelona World Race en double (départ le 31 décembre 2014).

Très présents jusqu’ici en IMOCA, Dominique Wavre et Bernard Stamm devraient faire l’impasse sur les trois courses, le premier parce que l’aventure avec son bateau Mirabaud est terminée, le second car son voilier s’est brisé en mer à moins de 200 milles de Brest, alors qu’il ramenait Cheminées Poujoulat de la Transat Jacques Vabre.

Pour Nathalie Brugger et Matias Bühler, la route vers Rio est encore longue. Les bons résultats sportifs convaincront-ils les sponsors de leur donner toutes leurs chances ? © DR

Les deux marins suisses sont désormais dans l’expectative. A l’heure de l’interview, Dominique Wavre affirmait, mi-février, n’avoir rien de concret pour l’instant. « Mais je n’ai pas pris ma retraite, poursuivait-il, et je souhaite continuer à naviguer, probablement en couple, avec ma compagne Michèle Paret. » Situation plus complexe pour Bernard Stamm qui doit, avant tout projet, faire expertiser l’épave de son bateau récupérée en mer : « Il est nécessaire de comprendre ce qui s’est passé, souligne-t-il, car une telle avarie n’est pas normale sur un bateau censé vous emporter, en toute sécurité, autour du monde. Je suis en pleine phase de reconstruction de mon programme de course car j’avais prévu de faire tout le circuit IMOCA, dont le prochain Vendée Globe, jusqu’en 2017. Il y a bien des bateaux disponibles – j’ai eu une proposition pour la Barcelona –, mais aucun qui soit compétitif. Mon objectif est de courir à nouveau. J’y travaille à plein temps. »

CER & Mini connection

Troisième de la Mini Transat en bateaux de série, juste derrière Justine Mettraux, Simon Koster a de la suite dans les idées et prépare d’arrache-pied… la Mini 2015, en proto cette fois-ci. « Je suis en train d’étudier comment et où construire, cette année ou au plus tard début 2015, mon futur bateau qui pourrait bien s’inspirer du fameux Magnum de David Raison. Parallèlement à mon projet Mini, je vais participer cette année au Vulcain Trophy sur le D35 Veltigroup : une expérience très nouvelle, même si j’ai déjà tâté du M2 sur le lac de Constance ». Autres prétendants suisses à la Mini 2015 : Patrick Girod qui vient d’acquérir le bateau de Justine Mettraux et Aymeric Blin, de la Tour-de-Peilz. Il va chercher à se qualifier à bord de son Duke353 (lire aussi l’article en page 100)

Multiple champion lémanique, Patrick Girod s’attaque à la Mini Transat 2015. © Loris von Siebenthal

Du côté du CER genevois, le nouvel administrateur Nicolas Groux évoque les trois défis de l’année : en match race avec l’équipage skippé par Nelson Mettraux, en M34 pour le traditionnel Tour de France à la voile et en Surprise, notamment sur le nouveau circuit North Sails European Surprise Sailing Series. « Tout a bien commencé, précise Nicolas Groux, puisque c’est le Surprise CER 2 qui s’est imposé en janvier à la Primo Cup de Monaco. »

Après une année 2013 exceptionnelle pour chacun d’eux, Lucien Cujean et Sébastien Schneiter font équipe en 49er et visent les JO de Tokyo en 2020. © DR

En match race, le team Monnin sera de la partie en coupe suisse (la Swiss Match Race Cup reprend le même modèle que la Volvo, avec une finale à Zurich les 11-14 septembre) et à l’étranger, avec en point de mire la Bermuda Gold Cup, fin octobre 2014. « Nous avons à cœur de défendre notre place de N°1 en Suisse et de nous maintenir dans le top 10 mondial (ndlr actuellement 9e) », affirme Eric Monnin.

Une pépinière de jeunes talents

Pour tous les férus de dériveurs olympiques, cap sur Santander, en Espagne. C’est dans cette ville basque qu’auront lieu, à partir du 8 septembre, les championnats du monde de voile ISAF, avec des sélections en vue des JO de 2016 à Rio. Le système de qualification prévoit que 50% des quotas, par classe et par nation, seront attribués à cette occasion.

Avec cinq podiums en 2013, Guillaume Girod représente dignement la SNG et vise Rio. © Brunner

Deux équipages font parties du cadre A du Swiss Sailing Team (SST) : il s’agit de Nathalie Brugger et Matias Bühler en Nacra 17 et de Romuald Hausser et Yannick Brauchli en 470. Vu ses bons résultats de l’an dernier, le couple Bühler/Brugger a bon espoir de se qualifier sur le plan d’eau espagnol. « Le seul gros bémol, indique Nathalie Brugger, est le manque d’argent. Matias et moi sommes toujours à la recherche d’un sponsor principal qui pourrait nous permettre de naviguer 300 jours par an comme nos concurrents, alors que nous sommes limités à 180-200 jours. C’est un vrai handicap dans un sport qui s’est totalement professionnalisé. »

Romuald Hausser et Yannick Brauchli ont intégré l’équipe nationale tout en courant après les sponsors. © Juerg Kaufmann

En 470, Romuald Hausser et Yannick Brauchli visent également la qualification. « Je consacre tout mon temps à la voile, indique Romuald Hausser, soit environ 200 jours par an sur l’eau et 150 jours à rechercher des financements. Naviguer en vue des JO représente un énorme investissement personnel. Nous avons d’ores et déjà repéré (avec 30 jours d’entraînement) le plan d’eau de Santander ainsi que la ville elle-même. Pour être performant, il est important de tout apprivoiser du lieu où les régates se déroulent. La particularité de la mer à Santander, c’est une grosse houle permanente, des courants et des vents irréguliers tant en direction qu’en force. »

Si elle continue sur sa lancée, Maud Jayet devrait faire parler d’elle encore longtemps © Juerg Kaufmann

En Laser Standard, Guillaume Girod figure également parmi les favoris pour une sélection aux JO de Rio. Etudiant en microtechnique à l’EPFL, le navigateur parvient tant bien que mal à jongler entre les cours et les entraînements grâce à un statut de sportif d’élite qui lui permet de mieux répartir son temps entre les études et la voile. Il sera présent à Santander avec pour ambition de décrocher une place nationale en Laser Standard.

Pour sa part, après avoir brillé à la Youth

America’s Cup, Lucien Cujean a choisi de se lancer un nouveau défi aux côtés de Sébastien Schneiter qui a connu une grande année 2013 en Laser Radial junior en se hissant au 3e rang mondial. Les deux compères naviguent désormais en 49er. Objectif : les JO de Tokyo en 2020. « Nous en rêvions tous les deux, se réjouit Lucien Cujean ; aujourd’hui, c’est chose faite et nous avons bien l’intention de nous consacrer à fond à ce projet».

Le CER reste la meilleure plateforme de formation des jeunes à la régate en équipage, notamment lors du Tour de France à la Voile. © Jean-Marie Liot
Un engagement total et risqué

Président du Swiss Sailing Team (SST), Alex Schneiter est confiant. Il estime que plusieurs équipages suisses sont en mesure de se qualifier, que ce soit en Nacra 17, en 470, en Laser Standard, voire en planche à voile grâce à Mateo Sanz Lanz, un hispano-suisse qui court désormais sous les couleurs helvétiques. Et, juste derrière, plusieurs jeunes poussent très fort ; il s’agit notamment de Nils Theuninck en Laser Standard, de Maud Jayet en Laser Radial, de Bryan Mettraux et Victor Casas en 49er et de Fiona Testuz et Livia Naef en 49erFX. A noter qu’un équipage d’ « anciens », composé d’Alain Marchand (un habitué du match race) et de Fanny Brouchoud, va se tester en 2014 sur Nacra 17, avec Rio en ligne de mire.

« J’admire la motivation et l’abnégation de tous les jeunes navigateurs qui prennent de gros risques, car viser une médaille olympique exige 6 à 8 ans d’engagement total pour son sport, souligne Alex Schneiter. Or, on n’a jamais eu autant de régatiers de qualité. Un engagement qui nécessiterait une prise de conscience des politiques puisque la voile suisse de haut niveau ne jouit d’aucun financement public. Mais elle peut heureusement compter sur les fédérations, Swiss Olympic et, pour le derniers tiers de son budget, sur des mécènes ou des sponsors, comme Alinghi ou Teamwork ».

Pari insensé

Autre défi, qui paraît tout à fait insensé, celui d’Yvan Bourgnon de faire, seul, le tour du monde par l’équateur sur un catamaran de sport sans cabine ! Parti le 5 octobre dernier des Sables d’Olonne, le navigateur suisse était alors accompagné d’un équipier, Vincent Beauvarlet, qui a toutefois mis sac à terre aux Canaries. A peine décontenancé, Yvan Bourgnon a poursuivi sa route à travers l’Atlantique en direction de la Martinique. « Une traversée dantesque, dit-il. Je m’attendais à quelque chose de très difficile mais pas à ce point. En prendre autant dans la gueule, c’est un truc de fou ! Mais après avoir vécu un truc comme çà, on est armé pour continuer ». Depuis, Yvan Bourgnon a repris la route et passé le canal de Panama. Aux dernières nouvelles, il était arrivé aux Galapagos ; c’était le 1er mars dernier. Pour suivre le navigateur, consulter son site www.en-avant-toute.ch/yvan-bourgnon.