L’épreuve qui passionne les foules depuis bientôt un quart de siècle a vécu un véritable tournant lors de son édition 2012-2013. L’accession aux premières places par la jeune génération, face aux régatiers expérimentés d’âge mûr, représente un changement de paradigme avec lequel il va désormais falloir compter. Quelques jeunes surdoués défient sans complexes les grands noms de la discipline. La longue expérience du large n’est plus garante de réussite, n’en déplaise aux bouffeurs de milles.

© Vincent Curutchet

En se livrant à un match racing sur pratiquement la totalité du tour du monde, les deux leaders Gabart et Le Cléac’h ont tenu les amateurs de régates en haleine pendant près de 80 jours. Jamais course au large n’avait été aussi palpitante et les internautes se sont trouvés bien démunis à l’issue de l’épreuve, se demandant à quoi ils allaient désormais pouvoir occuper leurs journées.

Avec vingt concurrents au départ et onze à l‘arrivée, soit plus de la moitié des bateaux qui terminent la course, l‘édition 2012-13 du Vendée Globe se situe dans une bonne moyenne. © Vincent Curutchet
L’année des records

François Gabart et Armel Le Cléac’h ont terminé leur tour du monde en un temps époustouflant de 78 jours et des poussières. Pulvérisant de six jours le précédent record établi par Michel Desjoyeaux en 2009. Au final, les 3h28 qui séparent Macif de Banque Populaire représentent seulement 0,2 centième du temps de course, autant dire rien. Des coups tactiques proprement hallucinants ont pu être observés, notamment quand François Gabart se permet d’empanner à deux reprises au passage du Horn, pour faire un bord d’à peine plus de 10 milles, et se caler en position favorable. La domination du jeune dauphin de Desjoyeaux a été presque indécente. Gabart a en effet trusté la première place du classement sur plus de 60 % des pointages, alors qu’Armel Le Cléac’h s’est retrouvé en tête seulement 30 % de ceux-ci. Les 10 % restants sont à partager entre Jean-Pierre Dick et Bernard Stamm qui ont démontré un potentiel remarquable, face aux deux prodiges de Port-la-Forêt.

François Gabart a réalisé une course hallucinante, rappelant à l‘ancienne génération qu‘elle a du soucis à se faire pour l‘avenir. © Vincent Curutchet

Toujours dans le registre du temps de course, le dernier classé, Alessandro di Benedetto, boucle son périple en 104 jours, soit cinq de moins que Titouan Lamazou, vainqueur de la première édition en 1990. À noter qu’il a fallu attendre 2001 pour passer sous la barre symbolique des 100 jours. Michel Desjoyeaux avait bouclé son tour en 93 jours, quatre ans après Christophe Auguin qui avait pris 105 jours pour terminer vainqueur aux Sables.

Le règlement, c’est le règlement !

La mésaventure de Bernard Stamm qui s’est soldée par sa disqualification, a fait couler pas mal d’encre et transiter de nombreux électrons via les blogs et forums. L’histoire a rappelé aux fans que malgré son côté aventureux, le Vendée Globe est d’abord une régate régie pas différentes règles, acceptées par chacun et appliquées par un jury indépendant. On retiendra surtout de ce regrettable événement des lacunes de communication de la part de l’organisation qui a manqué d’expliquer aux néophytes les principes de base de toute compétition, ainsi que le cheminement du jury pour prendre une telle décision. Le cas Stamm a par ailleurs démontré que l’engouement lié à cette course est surtout émotionnel, ce qui a conduit à des prises de positions parfois déraisonnées. Certains auraient voulu voir sortir de nulle part une clause « d’aide subie » allégeant la sentence finale, mais le jury s’est contenté d’appliquer la règle de non-assistance qui constitue l’essence même du Vendée Globe. Le skipper de Cheminées Poujoulat ne s’est heureusement pas laissé abattre par la sanction et a quand même réussi à ramener son bateau à bon port. Le public l’a d’ailleurs salué à la hauteur de sa détermination, ce qui lui a probablement permis de digérer un peu mieux son relatif échec.

Malgré sa disqualification, Bernard Stamm a ramené son bateau aux Sables d‘Olonne, et a rencontré un accueil remarquable. © Jean-Marie Liot
Un parcours plus technique et moins extrême

L’édition 96-97, celle de la disparition tragique de Gerry Roufs, a été la dernière qui ne comportait que trois marques de parcours à laisser à bâbord, le Cap de Bonne Espérance, le Cap Lewin et le Cap Horn. Depuis, les portes de glace ont été instaurées, et n’ont cessé de remonter plus au nord. Si la plupart des coureurs s’accordent à dire que ces contraintes sont nécessaires pour garantir la sécurité des solitaires, certains regrettent l’époque des ponts couverts de neige, et les slaloms entre les growlers (qui n’ont d’ailleurs généré qu’un seul incident sur l’histoire de cette compétition). Le grand sud n’est plus au menu, et la stratégie a pratiquement disparu dans la partie australe du parcours, au profit de la tactique. Le trajet se trouve rallongé par rapport aux premières éditions, où les voiliers plongeaient le plus au sud possible pour faire moins de route. Aucune remise en question de ces portes n’est à l’ordre du jour, et les coureurs vont continuer à développer leur sens tactique pour régater entre les portes, comme on évolue entre des bouées.

Un ratio d’abandon dans la moyenne

Finalement, avec onze concurrents classés sur 20 partants (55%), cette septième édition est plutôt dans la moyenne, du point de vue des abandons. La pire hécatombe de l’histoire de la course reste celle de 2008-2009, où seulement onze des trente partants (37%) ont rejoint les Sables. Le meilleur cru étant celui de 2004-2005, puisque treize des vingt engagés (65%) ont réussi à terminer la course classés.