La ruée vers le lac

© Loris von Siebenthal

Un anniversaire, c’est toujours l’occasion de regarder en arrière. De rembobiner le film et de laisser défiler les souvenirs. Images, flashs, couleurs, émotions, sensations, tout se bouscule dans la tête, au mépris parfois de la chronologie.

De cette décennie écoulée des D35, on retient le succès inespéré d’un pari osé, d’une volonté de sauver un circuit à la dérive en faisant table rase. La faute à un magnifique catamaran noir outrageusement dominateur. On se souvient de la fébrilité d’une poignée de propriétaires lémaniques naviguant à vue vers leur beau projet, excitant, mais un poil stressant comme souvent les changements de cap. On revoit les hélicoptères et la mise au l’eau de ces drôles d’oiseaux. On se repasse les premiers bords, forcément magiques, et on revit la découverte de cette capacité inégalée d’accélérations à la moindre risée, le jour où on a eu la chance de grimper sur un de ces bijoux de la voile lémanique.

Pour avoir arpenté pendant des années les pontons de la course au large, de la Coupe de l’America et de la voile olympique, on garde surtout en mémoire l’improbable convergence vers notre modeste petit coin de pays sans mer, de tous ces marins de renom rencontrés aux quatre coins du monde. Il y avait un côté surréaliste à voir, sur une ligne de départ, à Versoix ou à Ouchy, Franck Cammas, Michel Desjoyeaux, Ernesto Bertarrelli, Loïck Peyron, Ben Ainslie, Alain Gautier, Pascal Bidégorry, Russell Coutts, Brad Butterworth, Paul Cayard, les frères Ravussin et d’autres encore. Tout ce beau monde chez nous ? Il fallait un peu se pincer pour y croire. Mais en même temps, l’aiguière d’argent trônait dans une vitrine de la Nautique. Alors, côté quatrième dimension, on était servi.

Ouvrir l’album de dix ans de championnat de D35, c’est la résurgence d’une série d’instantanés. Des bribes de conversations, des départs au ralenti, des finish sous haute tension, des repas qui n’en finissent pas. Pourquoi tel souvenir plutôt qu’un autre ? L’esprit fait le tri sans prévenir, suivant sa propre logique. Et tout finit par se mélanger pour esquisser une impression globale. Celle d’une vraie réussite, technologique et sportive. En quelques années, ce circuit s’est imposé comme le must de la monotypie en multicoques. Aujourd’hui, l’euphorie est un peu retombée. Mais les images sont tenaces. On peut se repasser le film quand on veut.

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